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Le marais de Fontfreyde, dans le Puy-de-Dôme, se révèle une tourbière porteuse d'enseignements pour le climat

À quelques encablures du bourg de Saint-Genès-Champanelle, c’est-à-dire au sein même de Clermont Auvergne Métropole, une parcelle de 24 hectares, à cheval sur 27 parcelles privées… intriguait.

Non pas que l’un ou l’autre des dix-sept propriétaires (en majorité agricoles) en aient une impérieuse utilité, mais difficile d’imaginer son exploitation, en culture comme en prairie, avec des bêtes qui pourraient s’enfoncer jusqu’aux jarrets dans certains secteurs. Un site capable de se gorger d’eau puis sécher en un rien de temps l’été… À l’évidence, un marais.

Pouvait-on en faire un espace pédagogique pour enrichir les projets aujourd’hui consacrés à l’éducation à l’environnement ? Avec le concours du CPIE Clermont Dôme voisin. En 2012, les crédits nécessaires au financement de plusieurs études et inventaires ont été accordés. Révélation aux portes de la métropole clermontoise

Alors ? La restitution?

Elle a fait l’objet d’un petit opuscule et d’une réunion publique ce 12 octobre 2024.

Rien d’extraordinaire sur les inventaires de la faune. L’absence d’espèce remarquable protégée - ce filtre par l’exceptionnel sous menace imminente a longtemps été le seul guide pour initier des mesures de protections -. Mais les choses changent. Avec l’évolution du climat et la prise de conscience de l’effondrement de la biodiversité, le patrimoine commun devient précieux. Le marais de Fontfreyde se révèle, à ce titre.

La ligulaire de Sibérie, cette plante relicte glaciaire, fleurit aussi dans le marais de Fontfreyde, juste au dessus de Clermont (floraison tous les 5 ans, ici au lac de Bourdouze). Photo Francis Campagnoni

Pourquoi ce patrimoine commun devient-il précieux?

Tout en le replaçant aux portes d’une métropole très urbaine, le professeur Hervé Cubizolle (Université de Saint-Étienne) estime que cet espace a pu rester en dehors des perturbations humaines pendant plusieurs siècles ; depuis toujours peut-être.

La restitution de son travail a surtout permis de comprendre que 6.000 à 9.000 ans d’histoire ont pu y déposer leur mémoire, conservée par strates dans une tourbière qui s’étire jusqu’à huit mètres de profondeur ! Sur huit mètres de profondeur ! Une petite partie toujours en eau, au centre du marais, est d’ailleurs toujours active, constituée de « tremblants ».

Le marais de Fontfreyde au cœur d’une étude

Le scientifique estime peu probable qu’il y ait eu, ici, une exploitation intensive de la tourbe comme combustible. Mais ce qui s’est passé au cours des siècles est presque toujours soigneusement conservé dans les strates d’une tourbière (des traces de l’occupation humaine jusqu’à la biologie de l’environnement avec les pollens et autres éléments biologies ou chimiques).

En surface, le marais actuel intéresse aussi. Sa flore a été méticuleusement évaluée par Camille Roux, docteur en écologie végétale et responsable du service et des collections des Herbiers Universitaires de Clermont-Ferrand.

« S’ils avaient su… »

« Je n’ai rien trouvé dans les collections sur cet espace » Il semble n’avoir jamais été identifié comme digne d’intérêt. Il héberge pourtant les espèces caractéristiques de ce type de milieux humides. Un cortège et des taxons que les scientifiques et universitaires partaient explorer beaucoup plus loin, et jusque dans le Sancy.

Camille Roux y a notamment repéré des stations de ligulaire de Sibérie. Cette plante fleurit tous les cinq ans, en grandes grappes jaunes. Elle a besoin de milieux humides et froids. Elle fait même partie des relictes glaciaires que l’on pensait réfugiées sur les hauteurs du Cantal et du Sancy pour le Massif Central.

Les gens allaient très loin, en passant devant le marais de Fontfreyde sans savoir qu’elles existaient là !

La ligulaire, comme sans doute d’autres éléments à observer dans ce marais, peut être un précieux indicateur pour accompagner le changement climatique.

Projets

Pour l’instant, il n’est pas prévu de mesure conservatoire ou de valorisation particulière pour le marais de Fontfreyde, mais il se trouve déjà dans les périmètres Natura 2000 et site classé Chaîne des Puys, ce qui conditionne à autorisation spéciale les travaux susceptibles de modifier son aspect ou l’état des lieux.

Il est aussi inclu dans le périmètre du projet de site classé de la Montagne de la Serre, pour lequel un décret est attendu avant la fin de l’année.

D’abord, « le laisser tranquille »

« Pour l’instant, il faut surtout ne pas y toucher… Laisser le site tel qu’il existe puisque les propriétaires n’ont pas fait état de nécessité particulière », résume le maire Frédéric Vial. D’où l’idée de ne pas rendre sa localisation plus accessible au grand public. Demain, la pression pourrait néanmoins changer, surtout lorsque l’on prend en compte la capacité du site à conserver l’eau. Cette donnée, l’élu ne peut l’ignorer ; il est également le vice-président de Clermont Auvergne Métropole en charge du cycle de l’eau.

Anne Bourgesanne.bourges@centrefrance.com

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