Associatives, citoyennes ou participatives... en Corrèze, découvrez ces épiceries de village gérées par des habitants
Il faut se frotter les yeux pour y croire. Dans le bourg d’Orliac-de-Bar, commune de 300 habitants, à une quinzaine de km de Tulle (Corrèze), la plaquette de beurre est vendue 2,30 euros. Dans le supermarché le plus proche, à un gros quart d’heure en voiture, elle affiche le prix de 3,90 euros.
Une performance dont n’est pas peu fière Maxime Lamarque, un des fondateurs de l’épicerie citoyenne de ce village, à l’écart des grands axes de communication.
On a trouvé le moyen de rendre service, de nourrir une quarantaine de familles et surtout de recréer du lien social
Depuis 2020, un nouveau modèle d’épicerie rurale se développe, encouragé par les effets de la crise sanitaire. Regroupé en association, un groupe d’habitants gère lui-même un commerce.
En échange de quelques heures de bénévolat, les adhérents (qui sont aussi les seuls clients) peuvent se procurer des produits, majoritairement locaux et/ou bio, vendus sans marge.
À Orliac-de-Bar, la mairie a gracieusement mis à disposition une ancienne grange, au cœur du bourg. « On n’a pas de loyer à payer, pas de charges, hormis l’électricité, poursuit Maxime Lamarque. On ne cherche pas à négocier au plus bas avec les producteurs locaux qui nous fournissent ».
Au-delà du service, réunir les habitantsRien à voir avec une Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) et autres groupements d’achats en commun : le commerce est bien réel avec un local, des rayons, des références, des étiquettes et même une balance, pour le vrac (farine, lessive…).Maxime Lamarque et Nadine Javion à l'entrée de l'épicerie citoyenne installée dans une ancienne grange dans le bourg d'Orliac
Mais son objectif est comparable : valoriser les fournisseurs locaux ou à défaut, nationaux. À Orliac-de-Bar, le morceau de cantal vient de chez Duroux ; les yaourts d’une exploitation laitière d’Ussac, près de Brive ; la viande, de chez un éleveur installé à Vitrac-sur-Montane.
À une quarantaine de km plus au sud, la commune du Chastang, environ 350 habitants, à 25 km de Brive, dispose d’un service du même type. " Le bourg n’a plus de commerce, ni d’école. Dès 2020, on a développé l’idée de créer une épicerie et un café associatif ", explique Mathilde Manteau.
Tous les deux ont vu le jour dans l’ancienne école, transformée en maison des associations. 70 personnes environ ont rejoint la dizaine de membres fondateurs.
Notre épicerie privilégie les produits locaux et bio. On a une grosse sélection de fruits secs et de céréales, mais elle ne propose pas de produits frais, parce que c’est un peu plus compliqué à gérer. Au-delà de cet aspect, ce qui est vraiment positif, c’est de réunir les habitants. À la campagne, il y a un vrai besoin de lien social.
Au Chastang, l’épicerie et le café associatif servent de pivot à des animations, comme des projections de documentaires.
Bruno Fleury, le maire, est ravi :
Le samedi, lorsque les adhérents viennent chercher leurs courses, ça défile dans le bourg. L’auberge du village, juste à côté, en profite. En plus, une agence postale vient d’ouvrir. Pas mal de gens viennent s’installer dans la commune. C’est un bon moyen d’apprendre à se connaître
Nadine Javion fait partie des adhérents : "Je travaille à Tulle, mais je vais moins en supermarché. Je préfère donner du temps que mon argent. J’ai l’impression d’être vraiment utile".
Des limites bien identifiéesL’exercice a ses limites. Le choix dans une même catégorie de produits est quasi inexistant, et le modèle impose de revoir son organisation personnelle. La précommande est privilégiée, souvent par l’intermédiaire d’une plateforme baptisée monépi, qui met à disposition des outils informatiques simples.
" On fait sa liste le mardi pour venir chercher son panier le samedi, confirme Maxime Lamarque. Il faut viser juste, mais on jette moins ! "
Le système repose surtout sur l’engagement citoyen, qui, à l’instar du milieu associatif, a tendance à diminuer au fil du temps. "La grosse difficulté, c’est de fidéliser les adhérents, confirme Maxime Lamarque. J’ai l’habitude de dire que les deux heures de bénévolat par mois, c’est l’équivalent d’un visionnage de film à la télé."
Au Chastang, les adhérents ont la possibilité de faire leurs courses sur place. D’abord ouverte les samedis et dimanches matins, l’épicerie a revu ses horaires, " une meilleure rotation", entre le vendredi soir et le dimanche matin.
Comme à Orliac, le local est malgré tout resté ouvert toute l’année et suscite l’intérêt. "Le côté pratique intéresse beaucoup de gens", selon Mathilde Manteau.
"Je reçois pas mal de coups de téléphone d’élus curieux de savoir comment ça marche", assure Maxime Lamarque. Pour être pertinent, ce service de proximité doit le rester. Faire des kilomètres en voiture pour se rendre à une épicerie associative ne colle pas au concept.
Éric Porte