L'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis, présidée par un Eurélien, cherche de solutions pour les producteurs qui vont se retrouver sans collecte
«On ne s’attendait pas à ce cataclysme de ruptures de contrats », lâche Yohann Surreau. Installé en Eure-et-Loir, le président de l’Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (Unell) est abasourdi devant l’ampleur du plan, que le groupe mayennais a dévoilé, il y a un mois, pour réduire sa collecte de lait, de près de 9 % d’ici 2030. Soit une baisse de 450 millions de litres sur les 5,1 milliards que l’entreprise collecte chaque année. « C’est une décision difficile pour Lactalis qui était parvenu jusqu’à présent à collecter les surplus de lait en France et à les valoriser à l’international », souligne l’entreprise.
Un plan lourd de conséquencesLe géant mondial, connu pour les marques Président, Galbani, Lactel, Bridel…, veut désormais « se recentrer sur les produits de grande consommation français, mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux ». Que Lactalis veuille « optimiser sa production » et révise sa stratégie à l’export s’entend pour le président de l’Unell, qui regroupe onze organisations de producteurs de différents bassins, représentant 60 % des fournisseurs du groupe. En revanche, Yohann Surreau dénonce les conséquences de ce plan qui pourrait concerner, à terme, « entre 700 et 900 producteurs ».
270 producteurs en 2026Articulé en deux étapes, il prévoit, dans un premier temps, une baisse de 320 millions de litres. Pour se délester de la moitié de ce volume à l’horizon 2026, le groupe va rompre le contrat de 270 producteurs de lait conventionnel, dont 120 dans le sud des Pays de Loire (Vendée, Deux-Sèvres, Maine-et-Loire…) et 150 dans l’Est (Haute-Saône, Vosges…).
Il se sépare également de 28 producteurs bio (7,4 millions de litres), mais accepte de les garder s’ils se déconvertissent. « Le consommateur se désintéresse de plus en plus des produits bio. Nous déclassons environ 50 % de notre collecte bio en conventionnel afin de lui trouver un débouché. Nous continuons de payer le lait au producteur en prix bio mais le consommateur trouve ce lait en rayon dans des produits conventionnels », explique Lactalis.
Comme un industriel de la sidérurgieLe groupe sacrifie aussi le contrat le liant à la coopérative Unicoolait en Moselle (160 millions de litres), qui ne sera pas renouvelé à échéance, en 2030. « Pour la dernière étape et les 130 millions restants, Lactalis compte sur la déprise laitière et l’évolution des marchés, autrement dit, ça va se faire tout seul », décrypte le président de l’Unell.
La multinationale a retenu les bassins des Pays de Loire et l’Est « pour la faible densité de collecte dans ces zones, leur éloignement des outils industriels… ». Outre les acteurs affectés, Yohann Surreau s’interroge sur les effets de ces décisions sur les territoires ruraux. « Ils font un plan de restructuration comme un industriel de la sidérurgie. Ils ont identifié des endroits où c’était moins rentable pour eux, ils suppriment ces endroits. C’est une réflexion très industrielle, ils ont oublié le lien au territoire », blâme-t-il.
Pas une surprise totalePour autant, reconnaît cet éleveur laitier, la surprise n’a pas été totale. Lactalis avait annoncé son intention lors du salon de l’agriculture de Paris, en février dernier et l’avait réitérée en avril. « Réduire la part de lait transformé en ingrédients industriels et ainsi veiller à ce que le prix moyen du lait soit moins sensible aux aléas des cours mondiaux. » Les éleveurs ont vu dans la stratégie affichée des objectifs servant leurs propres intérêts en matière de rémunération.
Sans remettre en cause ce cap, Yohann Serreau, déplore « le scénario du pire » mis en œuvre pour l’atteindre, alors qu’il y avait d’autres solutions et dénonce la décision unilatérale de Lactalis. « Le problème, c’est la méthode. Les responsables devaient nous donner un objectif de baisse, un calendrier, des localisations et on devait travailler le plan ensemble. À aucun moment, ils n’ont travaillé avec nous, ils ont tout décidé tout seul. »
Autres collecteursDésormais, la priorité, ce sont les 270 producteurs. L’Unell a mandaté un cabinet spécialisé pour trouver des solutions qui devraient être présentées prochainement. « Les éleveurs sont dans l’angoisse. Ils sont pressés de savoir s’ils vont pouvoir continuer à produire ou pas. Pour eux, ça ne va pas assez vite. Les ruptures de contrat n’ont pas été envoyées, donc le préavis n’a pas démarré. On a un petit peu de temps pour organiser correctement les choses. On a besoin de ce temps pour ne pas faire d’erreur, ne pas se louper, ne pas laisser des gens de côté… »
Sans s’avancer davantage, le président de l’Unell se veut rassurant, d’autant que des transformateurs, des industriels recherchent des volumes de lait, certains ont déjà manifesté leur intention de reprendre les Lactalis