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Douze ans de réclusion criminelle requis contre le fermier cantalien accusé de violer son beau-frère

Le temps est passé. Sept ans, depuis le début de l'enquête, depuis les premières auditions de l'entourage. Sur cette petite exploitation isolée en Châtaigneraie, il y avait un couple, l'accusé et sa femme, et le plaignant, frère de cette dernière, qui aide à la ferme contre le gîte et le couvert.

C'est dans ce vase clos, entre 1992 et 2012, qu'une relation apparaît entre le fermier et son beau-frère, 13 ans plus jeune. Les deux s'accordent sur de multiples fellations, pendant vingt ans, toujours prodiguées par l'employé sur le fermier. Pour l'accusé, elles étaient consenties. Pour le plaignant, il était forcé de les faire pour obtenir un avantage : le droit de prendre la voiture, de sortir de la ferme...

Comme les couleurs d'un tableau, les premiers témoignages recueillis en 2017 ont passé. Les quelques visiteurs réguliers décrivaient, à l'époque, un « tyran » que le plaignant avait fui en 2012, s'évadant en pleine nuit par la fenêtre pour ne pas réveiller les chiens. En 2024, ils nuancent leurs propos, s'étonnent de leur radicalité : le tyran devient un employeur rugueux, tout au plus.

Sauf deux témoins en particulier. La femme de l'accusé, sœur du plaignant. Elle charge son frère, le décrit comme un « obsédé sexuel », intéressé par l'argent. Il a lancé et perdu une procédure aux prud'hommes. Elle a visiblement préparé son témoignage et elle conte plus qu'elle ne raconte, devant les jurés, la vie qu'ils ont partagée.

Cette ferme, « c'était une secte »

Tant pis si elle se contredit, tant pis si rien de ce qu'elle dit n'est corroboré par d'autres. Elle jure avoir vu son frère prodiguer une fellation à un marchand de bestiaux du pays. Invité à la barre, l'homme de 78 ans s'étonne encore d'avoir été mêlé à cette affaire : "C'est ignoble".

De l'autre côté, il y a l'ex-compagne du plaignant, celle qui le convainc de partir. Cela fait quelques mois qu'il sont ensemble, mais elle ne veut pas passer du temps dans cette ferme, veut rester à Aurillac où elle vit. Cette ferme, « c'était une secte. On n'avait pas le droit à la parole, on avait le droit de se taire. » Elle décrit l'accusé impudique, qui se revendique « bon baiseur » et il lui propose ses services.

Lui, il tremble. Dès qu'il s'agit de raconter les fellations son discours se fait vaporeux, « c'est venu machinalement... » Il s'embrouille, se contredit, interrompt régulièrement la présidente, n'explique pas pourquoi il est l'unique bénéficiaire des fellations, pourquoi la relation n'est pas réciproque. Pour finir sur une seule conclusion :

Il ne refusait pas. Je ne l'obligeais pas à faire des choses

Pour l'avocat général Géraud de Vallavieille, la contrainte est évidente : le plaignant « n'a pas de véhicule, pas de salaire, pas d'amis, il ne voit pas ses parents et l'accusé a procuration sur son compte ». Il le décrit comme cerné par des années de « salissures », un « sentiment de déshonneur qui s'ajoute à la honte. » Contre l'accusé, il requiert 12 ans de réclusion criminelle pour ces vingt années de viols.

20 ans encourus

En défense, Me Pierre Méral plaide l'acquittement. Il décrit son client autrement, comme un homme qui vit une « angoisse massive », un homme au quotient intellectuel faible qui interrompt les autres « pour ne pas oublier ce qu'il veut dire [...] Je ne suis pas sûr qu'il soit capable d'élaborer un plan machiavélique. » Il s'interroge sur l'absence de stress post-traumatique chez le plaignant, se demande si le « non » a été clairement exprimé et compris de la part de son client.

« Quand le plaignant refuse un rapport anal, il n'y a pas de conséquence : il n'a jamais été violenté. Je pense qu'il éprouve des regrets par rapport à ces relations sexuelles. Mais le consentement se mesure au moment de l'acte, pas après. » Enfin, face aux risques de condamnation, il plaide une peine qui permettrait d'éviter l'incarcération de son client, sous contrôle judiciaire depuis 2018 dans ce dossier.

Le jury est parti délibérer à 17 h 30, ce mardi 5 novembre. L'accusé encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Pierre Chambaud

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