S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là!
Justice. C’est la débandade dans la magistrature. Notre chroniqueur ne parvient pas à s’y résoudre…
C’est la débandade.
De partout, la magistrature est critiquée, parfois stigmatisée. Les magistrats sont vilipendés et au quotidien le respect à leur égard n’est pas ce qui domine.
Sport national
Les médias de droite comme de gauche, au mieux, les traitent avec une sorte de réserve condescendante, au pire, avec hostilité.
Pour n’évoquer que CNews où je me sens si bien, l’excellent Pascal Praud trouve les juges généralement laxistes, sauf à l’encontre de Nicolas Sarkozy.
Le populisme de l’élite et de la base s’en donne à cœur joie, ils sont différents mais l’ignorance et la méfiance les réunissent. Ce n’est pas le même registre mais la magistrature est leur cible commune. Éric Zemmour, Alain Finkielkraut et monsieur Dupont ou Durand, même combat !
Aucun domaine, aucun secteur, aucun genre n’échappe en France à la mise en cause des magistrats. Vitupérer contre eux est devenu un sport national.
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Le plus alarmant et le plus saumâtre est que la magistrature elle-même participe à sa banalisation, à son effacement. Avec une sorte d’amère volupté, on entend les magistrats, syndiqués ou non, gémir, se plaindre, réclamer de l’aide, du soutien, de l’assistance, de la compassion, de la psychologie. Ils ne sont pas contents, ils ont trop de travail, ils sont à la fois trop durs et trop obéissants. Ils ne savent plus sur quelle soumission danser, sur quelle indépendance se mouvoir.
Je n’entends jamais quiconque oser déclarer clairement, fièrement, qu’être magistrat est un grand, un splendide métier, une superbe fonction, un admirable service et que, si j’ai pu douter, ce n’est plus le cas depuis tant d’années : être avocat c’est bien mais être magistrat c’est bien mieux. Le premier est un auxiliaire, le second requiert ou décide. Le premier défend un client, le second a la vérité et la sauvegarde sociale comme guides.
Ce n’est pas que les magistrats ne commettent pas d’erreurs, ils sont parfois indignes des valeurs au nom desquelles ils agissent et statuent. Il y a eu le Mur des cons, il y a des pratiques détestables, parfois l’émergence d’une justice en gros, l’absurde exécution provisoire et la partialité de la procureure dans le procès des assistants du RN, il y a des jugements trop doux ou trop sévères, des arrêts trop indulgents ou trop rigoureux. Il y a un syndicat politisé de gauche, voire d’extrême gauche. Il y a un manque de moyens matériels et humains. Mais cela devrait importer peu parce qu’être magistrat est incomparablement plus riche, plus gratifiant que tous ces aléas. On a l’impression que dans les discours judiciaires, seuls comptent ces derniers.
Magistrats pleurnichards
En politique, pour le régalien, qui pourrait se poser en modèle face à cette mission incomparable vouée à la protection des personnes et des biens, à l’ordre public, à la tranquillité sociale et à l’apaisement des citoyens ?
Cette magistrature qui pleure sans cesse sur elle, au lieu de se camper dans son identité forte, pugnace, sage, équilibrée, à l’écoute de tous, est d’une certaine manière désespérante.
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On ne peut pas se contenter de tout attendre des ministres de la Justice. Ce n’est pas eux qui pourront instiller l’orgueil judiciaire dans le cœur de cet univers largement entendu. Pourtant il n’en est pas un de plus dense, de plus exaltant : à la fois soucieux du singulier et préoccupé par le pluriel. Il « raccommode les destinées humaines » selon ce que désirait être le commissaire Maigret, pour Simenon.
Je n’aurais pas eu envie d’écrire ce billet (et de me tenir à peu près seul pour cette défense, cette apologie, ce redressement, moi qui aime la dissidence, la solitude, je suis gâté) si je n’avais pas lu ce propos de Marc Trévidic dans le JDD: « Je ne peux décemment conseiller à personne de devenir magistrat[1]« .
Ce magistrat a eu et continue d’avoir la lumière sur lui et tout ce qu’il offre à ceux qui le lisent dans cet entretien face à un Éric Naulleau pourtant stimulant, a une tonalité languissante, crépusculaire, misérabiliste, et même défaitiste : il ne faut plus devenir magistrat. Il ne crache pas seulement dans la soupe, il décourage les intelligences, les sensibilités, les personnalités qui actuellement veulent l’être, il offense le futur. Le moins qu’on aurait pu espérer de lui : une vision complexe, ombres et lumières comprises.
Je n’ai connu, critique mais enthousiaste, que les lumières.
[1] https://www.lejdd.fr/culture/de-la-lutte-antiterroriste-aux-enquetes-criminelles-marc-trevidic-revele-les-secrets-de-la-huitieme-section-du-parquet-de-paris-dans-un-roman-captivant-151668
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