Qu’est-ce que le "délit d’apologie du terrorisme", que LFI veut supprimer du Code pénal ?
C’est un nouveau pavé dans la mare. Dimanche 24 novembre, la patronne des députés La France Insoumise, Mathilde Panot, a déclaré vouloir "supprimer "le délit d’apologie du terrorisme "du Code pénal. Pour le groupe politique situé à gauche sur l’échiquier politique, l’objectif est de le "remettre" à sa place : "Il se trouve qu’avant 2014, avant la loi qui a mis dans le Code pénal l’apologie du terrorisme, c’était dans le droit de presse. Et ce que nous dénonçons, c’est justement que ce soit dans le Code pénal et non plus dans le droit de presse", a-t-elle expliqué sur BFMTV.
L’apologie du terrorisme "consiste à présenter ou commenter favorablement soit le terrorisme en général, soit des actes terroristes déjà commis (par exemple : une personne qui porte un tee-shirt affichant l’inscription "né le 11 septembre, je suis une bombe" peut être condamnée pour apologie du terrorisme)", rappelle le site service-public.fr. Par ailleurs, le fait de soutenir l’auteur d’un acte terroriste revient également à faire l’apologie du terrorisme. Même chose si un individu dispose d’une "égale considération" pour les victimes et les auteurs d’actes terroristes. Autre élément qui doit être pris en compte : l’auteur de ses propos doit s’exprimer dans un lieu public ou lors d’une réunion publique. Par exemple, lors d’un discours, dans des tracts, sur les réseaux sociaux…
Le déplacement dans le Code pénal du délit d’apologie du terrorisme avait été acté dans l’article 4 d’une loi promulguée en novembre 2014 et décidé par le ministre de l’Intérieur d’alors, Bernard Cazeneuve. L’objectif : pouvoir appliquer des délais de prescription allongés et des règles de procédure plus souples prévues dans le régime dérogatoire en matière terroriste. A l’époque, les yeux du monde sont rivés sur la Syrie et l’Irak, où un groupe djihadiste d’idéologie salafiste, appelé Daech, proclame unilatéralement l’instauration d’un califat sur un territoire à cheval sur les deux pays. Alors que de nombreux Européens viennent grossir leurs rangs, la question du terrorisme est omniprésente sur les plateaux télé et dans les débats politiques.
Un délit défendu par le gouvernement au moment de l’apogée de Daech
Si la disposition avait été contestée par plusieurs députés socialistes et écologistes ainsi que quelques élus UMP (l'ancien nom des Républicains), Bernard Cazeneuve avait défendu l’article comme "nécessaire" face à "la stratégie médiatique" des groupes djihadistes et au fait qu'"Internet offre aux thèses les plus extrêmes une caisse de résonance démultipliée". Il avait aussi affirmé que "laisser croire que la liberté de la presse est menacée relève d’une contre-vérité absolue". Le 13 novembre 2014, soit un an avant les attentats du Bataclan, l’article 421-2-5 du Code pénal punit le fait de " provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes" de "cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende".
Dix ans après, le député du Nord Ugo Bernalicis, à l’initiative de la proposition de loi déposée mardi, considère que ce délit n’a pas lieu d’être. Pour lui, la loi du 29 juillet 1881, qui traite "des faits relevant des délits d’apologie de crime, d’apologie de crime de guerre, d’apologie de crime contre l’humanité", suffit sur ce sujet.
Il cite le cas de Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’Union départementale CGT du Nord : le 18 avril 2024, il a été condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lille pour "apologie du terrorisme". Trois jours après l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, il avait écrit sur un tract : "Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi, elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées." Après l’annonce du verdict, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, avait dénoncé sur la plate-forme X un "jugement honteux" représentant "un cap gravissime franchi dans la répression des libertés".
"Rien à voir avec nos intérêts personnels"
Mais il existe aussi des exemples dans les rangs des Insoumis, comme Mathilde Panot et Rima Hassan, qui ont été entendues, en avril, par la police judiciaire parisienne dans le cadre d’enquêtes pour "apologie du terrorisme". Mathilde Panot avait été entendue par la police judiciaire parisienne au sujet d’un communiqué publié par son groupe le 7 octobre 2023, dans lequel l’attaque du Hamas en Israël avait été décrite comme "une offensive armée de forces palestiniennes" dans un "contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne" de territoires palestiniens. Cependant, la cheffe des députés LFI le répète dimanche : cette proposition n’a "rien à voir avec nos intérêts personnels".
Au sein du gouvernement, l’annonce des Insoumis a provoqué un lever de bouclier. Le ministre (LR) de l’Intérieur Bruno Retailleau a, par exemple, jugé "difficile de faire plus ignoble". Sa collègue Anne Genetet, ministre de l’Education nationale, y voit elle un "blanc-seing aux prêcheurs de haine pour menacer nos professeurs, nos chefs d’établissement et tous nos personnels". Et le désaccord s’est aussi immiscé e à gauche puisque le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a jugé qu’il suffisait en la matière d’affiner "la définition" du délit "pour en éviter les dérives". Plus clairement, le patron des députés PS, Boris Vallaud, a affirmé ne pas soutenir "la proposition de LFI".