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Elections en Uruguay : résistance démocratique en Amérique latine

Dimanche 24 novembre les partisans du parti de gauche « Front Large » ont laissé éclater leur joie après la victoire de leur candidat Yamandú Orsi aux élections présidentielles. Après 5 ans de gouvernement de droite, le parti de José Mujica revient au pouvoir en Uruguay.

Partisans du parti Front Large après l’annonce des résultats le 24 novembre 2024

Le retour du parti de José Mujica en Uruguay 

Avec 49,8 % des voix, contre 45,9 % pour son adversaire Alvaro Delgado qui représentait le gouvernement sortant, Yamandú Orsi remporte les élections uruguayennes. Bien qu’il ne prendra ses fonctions qu’à partir du 1er mars 2025, il se présente dès lors comme le président de l’unité nationale et du dialogue.

Après l’annonce des résultats Yamandú Orsi a tenu un discours rappelant l’histoire de la jeune démocratie uruguayenne. “Soyons conscients que depuis 40 ans, nous n’avons jamais connu une aussi longue période de démocratie ininterrompue où, tous les 5 ans, nous nous rendons aux urnes pour décider de l’avenir de notre pays de manière démocratique et libre ».

Dans un pays où le président sortant Lacalle Pou termine son mandat avec une popularité de 50 %, Yamandú Orsi est conscient que les Uruguayens ne souhaitent pas de changements radicaux. Dans cette optique, Yamandú Orsi a rappelé l’importance du dialogue entre les différents partis politiques du pays. « Le message ne peut être que de continuer à embrasser les drapeaux des idées car c’est par le débat d’idées que l’on peut construire une meilleure société, un meilleur pays et surtout une république démocratique qui a un futur ». Avant d’ajouter : « Il n’y a pas d’avenir si nous érigeons un mur aux idées ».

Comment expliquer la victoire de Yamandú Orsi?

Une étude faite par le cabinet de conseil uruguayen CIFRA publiée en avril 2024, attestait que 47 % de la population estimait que le principal problème du pays était celui de l’insécurité. En Uruguay le taux d’homicide en est de 11,2 homicides pour 100 000 habitants. Bien qu’il soit l’un des plus bas de la région, il est le double de la moyenne mondiale. Ce sentiment d’insécurité va de pair avec l’augmentation ces dernières années du trafic de drogue. Un trafic que l’on retrouve notamment autour du port de Montevideo. Pour répondre à cette préoccupation le Front Large mise sur des politiques sociales couplées à une lutte globale contre le trafic de drogue.

En deuxième position dans l’étude du CIFRA on trouve les questions liées à la situation économique. Ainsi, pour 31% de la population cette thématique est l’enjeu principal. Avec un taux de croissance de 0,4 % en 2023, une inflation de 5,9 %, un taux de chômage de 8,4 % l’Uruguay se détache de ses voisins par sa stabilité économique. Une stabilité qui pourrait cependant être mise à mal par une récente augmentation des inégalités et de la pauvreté. De fait, les 7 % de croissance accumulée entre 2019 et 2023 aurait été accaparée par 5 % de la population. De même, on note une augmentation de la pauvreté de 8,8 % depuis la pandémie. Une pauvreté qui touche plus particulièrement les enfants de moins de 6 ans. Dans cette catégorie, le taux de pauvreté est passé de 17 % en 2019 à 20,1 % en 2023.

C’est donc ces questions sociales qui auraient permis au Front Large de gagner les élections. Durant sa campagne Yamandú Orsi a soutenu vouloir investir massivement dans le système de sécurité sociale, tout en favorisant une meilleure répartition des richesses.

Un système démocratique reposant sur les partis politiques

Front Large n’ayant pas obtenu de majorité à la Chambre de députés (48 députés sur 99) devra négocier avec les autres partis politiques. Ainsi, les soutiens de Yamandú Orsi devront rallier des voix afin de faire voter leurs projets de lois. Les deux partis les plus représentés, derrière le Front large sont les partis National et Colorado. Des partis qui participent à la vie politique du pays depuis plus de 200 ans.

En Uruguay, le poids des partis rend plus difficile l’émergence d’une personnalité forte. Comme l’explique la politologue Veronica Pérez en Uruguay « c’est le parti qui contraint le leader et non l’inverse ». Elle ajoute : « Les partis ne sont pas seulement stables, ils sont vitaux. L’adhésion est due au fait qu’ils sont enracinés dans la société ». Par conséquent, les partis politiques empêchent la polarisation du débat et surtout endiguent la résonnance d’un extrémisme politique. Une situation a contrario des autres pays de la région. En ce sens, pour le chercheur Gerardo Caetano l’Uruguay est : « la dernière démocratie de parti en Amérique latine ».

L’Uruguay le modèle démocratique en Amérique latine ?

Une stabilité démocratique qui diffère avec de nombreux pays dans la région. A commencer par ses deux voisins, le Brésil et l’Argentine. En janvier 2023, des milliers de personnes ont tenté d’entrer dans les lieux de pouvoir à Brasilia. Une action pour contester la défaite de leur candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro aux élections présidentielles. Quelques mois plus tard en Argentine, le candidat promettant de détruite l’Etat à la tronçonneuse, Javier Milei, est élu Président de la République. Des personnages politiques bien souvent antisystèmes, ultra-libéraux, conservateurs sur le plan social et omniprésents sur les réseaux sociaux.

En 2023, une étude de The Economist sur l’état des démocraties dans le monde classait l’Uruguay en 15e position. L’Uruguay est, avec le Costa Rica (17e), le seul pays de la région à figurer dans la catégorie nommée « Full democracy ». On retrouve ensuite le Chili en 25e position, le Brésil en 51e ou encore l’Argentine en 54e.

Un système démocratique qui semble tenir face aux séismes politiques que l’on observe dans le reste de la région. Toutefois, Yamandú Orsi devra répondre aux préoccupations sociales, au sentiment d’insécurité et réduire les inégalités sans quoi, à l’instar des autres pays latino-américains, le mécontentement et la désillusion viendront nourrir certains extrêmes. Des extrêmes qui sont peut-être déjà représentés en Uruguay, à travers la figure de Gustavo Salle. Cet un avocat antivaccin, antisystème, anti-agenda 2030 vient de s’offrir un siège à la Chambre des députés.

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