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"Je suis plus jeune que tout le monde" : en 1995, L'Express décryptait le style François Bayrou

Elu député des Pyrénées-Atlantiques en 1986, François Bayrou est nommé ministre de l'Éducation nationale du gouvernement de cohabitation d’Edouard Balladur en 1993, et fut profondément marqué par François Mitterrand. "Un bègue aussi éloquent, un centriste aussi ferme, un catholique aussi laïque, François Bayrou sera un jour un redoutable candidat à l'élection présidentielle", avait déclaré le président socialiste au journaliste Alain Duhamel (Libération, 2012). En 1995, L'Express tentait de percer le style de ce jeune homme qui deviendra, 30 ans plus tard, Premier ministre.

"Il faut qu'un conflit soit utile, qu'il serve de booster. Il y a quinze jours, quand je parlais d'une grande concertation sur les universités, personne ne m'entendait. Maintenant, on m'écoute." Ainsi se confiait François Bayrou, quelques jours avant la manifestation qui vit, le 21 novembre, défiler à Paris les étudiants en colère. La méthode du ministre de l'Education nationale est la même partout où il passe: utiliser une faiblesse ou un revers pour mieux rebondir. Déjà, lors de son échec sur la loi Falloux, il en avait profité pour avancer des propositions qui ont débouché sur le "nouveau contrat pour l'école". Aujourd'hui encore, il espère tirer parti de la grogne universitaire afin de parvenir à réparer les injustices. En mettant l'opinion de son côté. Et en disant la vérité: on n'avait encore jamais vu un ministre rendre publique la carte des universités, des plus riches aux plus pauvres.

Par ces temps de rigueur budgétaire, la marge de manoeuvre de Bayrou n'est pas gigantesque. Alors que les besoins sont infinis. "On a laissé se creuser le fossé entre les facs, dit celui-ci, au moment où l'angoisse étreint les jeunes. D'où leur demande consumériste qui se greffe sur une anxiété plus profonde." Les dossiers ont donc été mis à plat, tous les présidents d'université reçus Rue de Grenelle, et chacun informé de ce que l'autre obtenait. Reste à définir l'avenir des étudiants avec les intéressés. "La solution n'est pas la sélection, affirme le ministre. Je ne fermerai jamais la porte à un jeune qui veut s'accrocher. Mais il faut orienter, dire la vérité sur les filières bouchées !" Une opération que Bayrou le Béarnais, adepte du dialogue, veut mener en donnant une meilleure représentation aux élèves, devenus un véritable corps social.

"La musique est plus importante que les paroles"

La méthode Bayrou appliquée à la politique, c'est aussi une sorte de judo. Le plus petit des grands partis de la majorité, éternel complément mais jamais leader, le CDS (qui changera de nom lors de son congrès refondateur à Lyon, le 24 novembre) veut s'appuyer sur sa position d'allié obligatoire pour grandir. Jacques Chirac a besoin des centristes pour élargir l'assise de la majorité. Alain Juppé compte sur cette famille - pourtant si balladurienne au départ - pour marginaliser les frondeurs du PR et s'assurer des alliés dans le cadre de sa concurrence avec Philippe Séguin.

François Bayrou, dupe de rien, profite de l'équation pour s'imposer comme n° 1 de l'UDF au gouvernement, et comme l'un des deux François de la confédération, d'où sa visite à Léotard, au PR, en signe de confraternelle compétition. Le futur grand centre veut incarner l'alternance au sein de la majorité en cas de repli du RPR. S'adapter enfin à la Ve République. Et dégager un leader qui puisse prétendre aux plus hautes fonctions. "J'ai le temps, dit Bayrou. Il faut de cinq à dix ans pour faire un parti. Et je suis plus jeune que tout le monde."

S'il se veut loyal - "Le centre n'a pas droit à l'hésitation" - il prétend bâtir un mouvement plus humaniste que le reste de la majorité. N'a-t-il pas déjà réussi à enterrer l'idée chiraquienne d'un référendum sur l'école ? A Lyon, au congrès du CDS, les représentants de Jacques Delors seront présents. Raymond Barre parlera. François le réconciliateur ouvrira les portes à tous les déçus de la politique. "La musique est plus importante que les paroles", assure cet ancien professeur. Mais personne, en démocratie, n'est à l'abri de fausses notes.

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