Bamba Ndiaye, Vice-président du PLD et témoin de l’histoire : «Mamadou Dia avait déjà réglé la question de la révision de son procès…»
Bamba Ndiaye reste un acteur clé de l’histoire politique des dernières années du président Mamadou Dia. Donc, un témoin de l’histoire ! L’ancien député et actuel leader politique du Parti des Libéraux et Démocrates (PLD) d’Oumar Sarr, fut un compagnon proche du président Mamadou Dia, jusqu’à même en être le coordonnateur de sa formation politique le Mouvement pour le Socialisme et l’Unité (Msu). Bamba Ndiaye porta même le titre de “second Mawdo”, alors que son mentor était appelé “Premier Mawdo”. Sur la question agitée de la révision du procès, Bamba Ndiaye dépoussière les positions du concerné : de son vivant, le président Mamadou Dia disait que le peuple l’avait déjà réhabilité. Et qu’il n’avait pas besoin d’un procès pour cela. Notre interlocuteur déclare alors, que « Mamadou Dia avait parfaitement raison de se sentir réhabilité par l’histoire et par le peuple sénégalais ». Entretien avec "Le Témoin".
Si les routes politiques des deux hommes se sont séparées par la suite, Bamba Ndiaye n’en revendique pas moins l’héritage politique de son mentor, dont il reconnaît avoir véritablement façonné sa trajectoire politique. Bamba Ndiaye dit qu’il ne reprocherait à personne de s’inspirer de la vision souverainiste du président Mamadou Dia. Il ne s’agira pas de contemplation de l’œuvre de son guide, mais plutôt une invite à l’actuel régime, de prendre en charge les idées positives du président Mamadou Dia.
Le Témoin : En tant que compagnon du président Dia, comment allez-vous témoigner à « décharge » pour les événements de décembre 62 ?
Effectivement, j’ai eu l’avantage d’accompagner le président Mamadou Dia dans ses activités politiques, pendant plus de 15 ans, à partir de 1983. Même si les vicissitudes politiques ont fini par nous séparer, je suis très fier de ce compagnonnage. Il a beaucoup contribué, et positivement, à ma formation, en tant que jeune d’une trentaine d’années, qui a eu la chance de réfléchir et d’agir avec le véritable père de notre indépendance. Nous nous étions retrouvés dans l’opposition au régime de Abdou Diouf, au cours des luttes pour une alternance démocratique, ayant abouti à la grande victoire du 19 mars 2000.
Avant de le rencontrer et de m’attacher à lui, j’avais déjà eu un parcours politique d’une dizaine d’années dans la gauche sénégalaise. C’est en toute conscience politique que j’avais choisi de l’accompagner, même si j’étais plus proche sur le plan social, du professeur Cheikh Anta Diop. Maintenant, pour en venir directement à votre question, il me semble que la crise de décembre 1962 a été une véritable sortie de piste pour le Sénégal nouvellement indépendant.
Le pouvoir de Dia voulait transformer l’indépendance formelle concédée par la France du Général De Gaulle, en une véritable souveraineté politique et économique. Et il était en passe de le réussir, notamment dans le domaine de l’agriculture. C’est pourquoi il a été combattu et éliminé.
Eliminer, le mot n’est pas de trop pour un témoignage à décharge ! Pour preuve, dès l’élimination politique du Président Dia, le Sénégal a rejoint le cercle des néo-colonies françaises, comme le voulaient les autorités parisiennes. Les grands chantiers de Dia comme ceux concernant le Franc CFA ou les bases militaires, ont été mis sous le boisseau, pendant presque 40 ans.
Très peu de gens osaient évoquer ces questions, qui ont été la cause de l’engagement de notre génération dans les rangs de la gauche. De sorte que l’impact négatif de cette éviction de Mamadou Dia, a fait dévier la trajectoire de toute l’Afrique occidentale.
D’aucuns estiment que le président Dia est ressuscité par le souverainisme incarné par l’actuel régime. Quelle lecture faites-vous de ce débat ?
C’est un débat que je suis avec beaucoup d’attention. Vous savez, si ce régime ou un autre cherche à retrouver le chemin tracé par Mamadou Dia, ce n’est certainement pas Bamba Ndiaye qui va le leur reprocher. Bien au contraire. Il ne s’agit pas d’être dans une contemplation du passé, mais de s’inspirer des grandes leçons positives et des riches enseignements de son action.
Ces leçons portent d’abord, à mon sens, sur le style de gouvernance. Dia a voulu servir son pays et non s’enrichir. D’ailleurs, il a quitté le pouvoir après 15 ans d’exercice, sans même posséder une maison. Dans son action à la tête de l’Etat, il a voulu mettre en avant les intérêts vitaux de nos populations africaines, sans jamais baisser la tête devant les puissances de ce monde. Il savait se faire respecter de tous, y compris du Général De Gaulle. Concernant l’autre aspect de votre question, voyons voir, comme disait l’autre.
Que pensez-vous de la réouverture du procès de Mamadou Dia ? Objectivement y a-t-il des éléments nouveaux qui concourent à cette demande générale ?
Une très bonne question qui vient à son heure ! Mais je préfère m’en tenir à la dernière position exprimée par Mamadou Dia, de son vivant. En effet, il avait fait savoir que le peuple sénégalais l’avait déjà réhabilité. Et qu’il n’avait pas besoin d’un éventuel procès visant à le réhabiliter.
Maintenant, est-ce que cette prise de position du principal concerné peut lier les mains de Dame Justice ou alors, faire taire des nouvelles générations ? Ce n’est pas à moi de le dire. Mais cela ne m’empêche pas de penser que Dia avait parfaitement raison de se sentir réhabilité par l’histoire et par le peuple.
Pendant de longues années, beaucoup de gens n’osaient même pas prononcer son nom, sauf pour l’injurier. Les choses ont commencé à changer dans les années 70, quand les jeunes se sont intéressés à ce pan alors méconnu de notre histoire. L’un des grands moments de cette réhabilitation a été le pré-symposium, qui a été organisé sur son œuvre en 1996 et dont j’ai eu l’honneur de coordonner le comité préparatoire.
A cette occasion, nos plus grands professeurs, comme le philosophe Djibril Samb, l’économiste Makhtar Diouf ou l’historien Mamadou Diouf, avaient disséqué son œuvre tant politique qu’intellectuelle et conclu qu’elle devait et pouvait constituer une source d’inspiration, pour bâtir un meilleur avenir de nos pays. Les Actes de ce pré-symposium avait été publiés sous forme de livre. Espérons qu’il sera organisé un jour, le Symposium international sur son œuvre qui avait été envisagé à l’époque.
Ousmane Camara dans une publication en tant que Procureur au procès de 1962, avait publiquement réhabilité le président Dia, cela n’est-il pas suffisant ?
Il me semble que la réhabilitation politique et intellectuelle a une portée plus grande qu’une réhabilitation judiciaire. Toutefois, les prises de position du président Ousmane Camara ont une grande signification. Déjà, lors du procès de 1963, il avait été très nuancé dans ses réquisitions.
Il faut dire que les principaux protagonistes de cette crise comme le Général Jean Alfred Diallo, le président Magatte Lô et bien d’autres, ont tenu à blanchir Mamadou Dia, des accusations de coup d’Etat portées contre lui. Certains sont même devenus plus tard, ses amis personnels.
A un moment donné, vous étiez l’héritier politique du président Dia, à travers le MSU. Pourquoi vous étiez-vous éloigné de l’homme ? Bamba Ndiaye revendique-t-il toujours son héritage politique ?
Il faut dire simplement que le rajeunissement du MSU, qui avait été décidé à l’initiative du président Dia en 1996, n’a pas donné les résultats espérés. Étant élu Coordonnateur Général du MSU, j’ai pris mes responsabilités dans des moments cruciaux pour notre pays. Ce que je peux déplorer, c’est le déficit de communication, qui avait permis à certains acteurs de réussir à nous diviser.
Mais je ne regrette pas les combats que j’ai menés en ces moment-là. Un jour, peut-être, je pourrais revenir sur cette période de façon détaillée. Je dois également préciser que ce n’était pas une rupture de nos relations personnelles. Je peux vous révéler par exemple que, quand je suis devenu député en 2001, le président Dia a organisé chez lui, une séance de prières à mon bénéfice.
Quelques années plus tard, je suis allé lui rendre visite et je dois dire que nous nous sommes quittés en bons musulmans, comme il se doit. Bien sûr, je revendique ma part dans l’héritage politique du Président Dia. C’est ce que j’ai toujours dit. Lui, il était Premier Mawdo du MSU et vos confrères de l’époque, me surnommait le Deuxième Mawdo. C’est un passé que je ne saurais renier mais que je porte avec fierté. Je ne suis pas son seul héritier politique bien sûr, mais, encore une fois, je revendique et je porte ma part d’héritage.
Que reste-t-il justement de l’héritage politique du président Dia ?
Lors de son procès de 1963, un de ses avocats avait dit ceci : « les noms des juges de Socrate ont été oubliés, mais le nom de Socrate est resté dans l’histoire ». Plus de 60 ans après, on peut dire la même chose de Mamadou Dia. Ces derniers jours, il fait la une de la presse nationale.
Le Building administratif dont il avait été chassé, porte son nom suite à une décision du président Macky Sall. Le président Wade avait engagé une procédure de révision de son procès. Peut-être le pouvoir actuel posera-t-il aussi des actes symboliques comme, par exemple, la réhabilitation du Général Amadou Fall, premier chef d’état-major de notre Armée nationale, que Dia souhaitait avec force.
Mamadou Dia est plus connu et plus célébré aujourd’hui que de son vivant. Je peux en témoigner. Ses idées n’ont jamais été aussi discutées qu’actuellement. Espérons seulement que les uns et les autres pourront en tirer des inspirations utiles et profitables, au grand bénéfice de nos peuples.
Réalisé par "Le Témoin"
Le Témoin : En tant que compagnon du président Dia, comment allez-vous témoigner à « décharge » pour les événements de décembre 62 ?
Effectivement, j’ai eu l’avantage d’accompagner le président Mamadou Dia dans ses activités politiques, pendant plus de 15 ans, à partir de 1983. Même si les vicissitudes politiques ont fini par nous séparer, je suis très fier de ce compagnonnage. Il a beaucoup contribué, et positivement, à ma formation, en tant que jeune d’une trentaine d’années, qui a eu la chance de réfléchir et d’agir avec le véritable père de notre indépendance. Nous nous étions retrouvés dans l’opposition au régime de Abdou Diouf, au cours des luttes pour une alternance démocratique, ayant abouti à la grande victoire du 19 mars 2000.
Avant de le rencontrer et de m’attacher à lui, j’avais déjà eu un parcours politique d’une dizaine d’années dans la gauche sénégalaise. C’est en toute conscience politique que j’avais choisi de l’accompagner, même si j’étais plus proche sur le plan social, du professeur Cheikh Anta Diop. Maintenant, pour en venir directement à votre question, il me semble que la crise de décembre 1962 a été une véritable sortie de piste pour le Sénégal nouvellement indépendant.
Le pouvoir de Dia voulait transformer l’indépendance formelle concédée par la France du Général De Gaulle, en une véritable souveraineté politique et économique. Et il était en passe de le réussir, notamment dans le domaine de l’agriculture. C’est pourquoi il a été combattu et éliminé.
Eliminer, le mot n’est pas de trop pour un témoignage à décharge ! Pour preuve, dès l’élimination politique du Président Dia, le Sénégal a rejoint le cercle des néo-colonies françaises, comme le voulaient les autorités parisiennes. Les grands chantiers de Dia comme ceux concernant le Franc CFA ou les bases militaires, ont été mis sous le boisseau, pendant presque 40 ans.
Très peu de gens osaient évoquer ces questions, qui ont été la cause de l’engagement de notre génération dans les rangs de la gauche. De sorte que l’impact négatif de cette éviction de Mamadou Dia, a fait dévier la trajectoire de toute l’Afrique occidentale.
D’aucuns estiment que le président Dia est ressuscité par le souverainisme incarné par l’actuel régime. Quelle lecture faites-vous de ce débat ?
C’est un débat que je suis avec beaucoup d’attention. Vous savez, si ce régime ou un autre cherche à retrouver le chemin tracé par Mamadou Dia, ce n’est certainement pas Bamba Ndiaye qui va le leur reprocher. Bien au contraire. Il ne s’agit pas d’être dans une contemplation du passé, mais de s’inspirer des grandes leçons positives et des riches enseignements de son action.
Ces leçons portent d’abord, à mon sens, sur le style de gouvernance. Dia a voulu servir son pays et non s’enrichir. D’ailleurs, il a quitté le pouvoir après 15 ans d’exercice, sans même posséder une maison. Dans son action à la tête de l’Etat, il a voulu mettre en avant les intérêts vitaux de nos populations africaines, sans jamais baisser la tête devant les puissances de ce monde. Il savait se faire respecter de tous, y compris du Général De Gaulle. Concernant l’autre aspect de votre question, voyons voir, comme disait l’autre.
Que pensez-vous de la réouverture du procès de Mamadou Dia ? Objectivement y a-t-il des éléments nouveaux qui concourent à cette demande générale ?
Une très bonne question qui vient à son heure ! Mais je préfère m’en tenir à la dernière position exprimée par Mamadou Dia, de son vivant. En effet, il avait fait savoir que le peuple sénégalais l’avait déjà réhabilité. Et qu’il n’avait pas besoin d’un éventuel procès visant à le réhabiliter.
Maintenant, est-ce que cette prise de position du principal concerné peut lier les mains de Dame Justice ou alors, faire taire des nouvelles générations ? Ce n’est pas à moi de le dire. Mais cela ne m’empêche pas de penser que Dia avait parfaitement raison de se sentir réhabilité par l’histoire et par le peuple.
Pendant de longues années, beaucoup de gens n’osaient même pas prononcer son nom, sauf pour l’injurier. Les choses ont commencé à changer dans les années 70, quand les jeunes se sont intéressés à ce pan alors méconnu de notre histoire. L’un des grands moments de cette réhabilitation a été le pré-symposium, qui a été organisé sur son œuvre en 1996 et dont j’ai eu l’honneur de coordonner le comité préparatoire.
A cette occasion, nos plus grands professeurs, comme le philosophe Djibril Samb, l’économiste Makhtar Diouf ou l’historien Mamadou Diouf, avaient disséqué son œuvre tant politique qu’intellectuelle et conclu qu’elle devait et pouvait constituer une source d’inspiration, pour bâtir un meilleur avenir de nos pays. Les Actes de ce pré-symposium avait été publiés sous forme de livre. Espérons qu’il sera organisé un jour, le Symposium international sur son œuvre qui avait été envisagé à l’époque.
Ousmane Camara dans une publication en tant que Procureur au procès de 1962, avait publiquement réhabilité le président Dia, cela n’est-il pas suffisant ?
Il me semble que la réhabilitation politique et intellectuelle a une portée plus grande qu’une réhabilitation judiciaire. Toutefois, les prises de position du président Ousmane Camara ont une grande signification. Déjà, lors du procès de 1963, il avait été très nuancé dans ses réquisitions.
Il faut dire que les principaux protagonistes de cette crise comme le Général Jean Alfred Diallo, le président Magatte Lô et bien d’autres, ont tenu à blanchir Mamadou Dia, des accusations de coup d’Etat portées contre lui. Certains sont même devenus plus tard, ses amis personnels.
A un moment donné, vous étiez l’héritier politique du président Dia, à travers le MSU. Pourquoi vous étiez-vous éloigné de l’homme ? Bamba Ndiaye revendique-t-il toujours son héritage politique ?
Il faut dire simplement que le rajeunissement du MSU, qui avait été décidé à l’initiative du président Dia en 1996, n’a pas donné les résultats espérés. Étant élu Coordonnateur Général du MSU, j’ai pris mes responsabilités dans des moments cruciaux pour notre pays. Ce que je peux déplorer, c’est le déficit de communication, qui avait permis à certains acteurs de réussir à nous diviser.
Mais je ne regrette pas les combats que j’ai menés en ces moment-là. Un jour, peut-être, je pourrais revenir sur cette période de façon détaillée. Je dois également préciser que ce n’était pas une rupture de nos relations personnelles. Je peux vous révéler par exemple que, quand je suis devenu député en 2001, le président Dia a organisé chez lui, une séance de prières à mon bénéfice.
Quelques années plus tard, je suis allé lui rendre visite et je dois dire que nous nous sommes quittés en bons musulmans, comme il se doit. Bien sûr, je revendique ma part dans l’héritage politique du Président Dia. C’est ce que j’ai toujours dit. Lui, il était Premier Mawdo du MSU et vos confrères de l’époque, me surnommait le Deuxième Mawdo. C’est un passé que je ne saurais renier mais que je porte avec fierté. Je ne suis pas son seul héritier politique bien sûr, mais, encore une fois, je revendique et je porte ma part d’héritage.
Que reste-t-il justement de l’héritage politique du président Dia ?
Lors de son procès de 1963, un de ses avocats avait dit ceci : « les noms des juges de Socrate ont été oubliés, mais le nom de Socrate est resté dans l’histoire ». Plus de 60 ans après, on peut dire la même chose de Mamadou Dia. Ces derniers jours, il fait la une de la presse nationale.
Le Building administratif dont il avait été chassé, porte son nom suite à une décision du président Macky Sall. Le président Wade avait engagé une procédure de révision de son procès. Peut-être le pouvoir actuel posera-t-il aussi des actes symboliques comme, par exemple, la réhabilitation du Général Amadou Fall, premier chef d’état-major de notre Armée nationale, que Dia souhaitait avec force.
Mamadou Dia est plus connu et plus célébré aujourd’hui que de son vivant. Je peux en témoigner. Ses idées n’ont jamais été aussi discutées qu’actuellement. Espérons seulement que les uns et les autres pourront en tirer des inspirations utiles et profitables, au grand bénéfice de nos peuples.
Réalisé par "Le Témoin"