Les matériaux anciens, au cœur des enjeux environnementaux et sociétaux de demain?
SCIENCE - IPANEMA, laboratoire du CNRS et du ministère de la Culture implanté sur le plateau de Saclay au sud-ouest de Paris, ouvrira pour la première fois sa plateforme au public dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine. Les visiteurs pourront voir les outils employés pour analyser objets et micro-prélèvements du patrimoine.
Ils échangeront avec les chercheurs qui développent de nouveaux outils pour étudier les matériaux anciens de l'archéologie, du patrimoine, de la paléontologie et des paléo-environnements. Échantillons parfois quasi invisibles à l'œil nu comme objets sont étudiés sur la source de lumière voisine, le synchrotron SOLEIL, un anneau de 354 m de circonférence alimentant des lignes d'analyse où des microscopes aux formes baroques saisissent la composition, la structure, la morphologie de la matière pour les retranscrire en données numériques traitées en laboratoire.
Depuis quelques années, l'étude avancée des matériaux anciens conduit à d'étonnantes et hybrides créations multidisciplinaires. L'imagerie de rayons X est renouvelée par le développement de scanners rapides à grande échelle développés initialement pour l'étude de tableaux de musées. L'identification de terres rares dans des tissus fossiles, éléments chimiques dont les nouvelles technologies sont si gourmandes, conduit à des méthodes d'imagerie de spécimens paléontologiques entiers.
Le comportement de fers et verres archéologiques au temps long est étudié pour délimiter le champ des possibles des matériaux employables... pour le stockage du combustible nucléaire usagé. L'étude d'objets métalliques ou céramiques d'artistes ouvre à des matériaux dotés de nouvelles fonctionnalités. Sur une ligne de SOLEIL, l'analyse de pigments blancs de la fin du 19e siècle a stimulé les premiers travaux portant sur des nanostructures semi-conductrices pour la nano-photonique.
Car, ne nous y trompons pas, les sciences des matériaux anciens se retrouvent au centre d'enjeux extrêmement actuels. Pourquoi? Sans doute parce qu'ils nous obligent à décentrer le regard pour intégrer trois facteurs:
• Le temps long. Les matériaux anciens sont par définition altérés, endommagés, lacunaires. Remonter le temps exige de rechercher dans les tréfonds de la matière des indices concordants, sondables par des instruments à haute résolution. Les restes ne constituent pas nécessairement une image fidèle du passé tant l'épreuve du temps peut être sélective. Il faut accepter la perte d'information, la comprendre, la modéliser.
• La complexité. Parce que dans la plupart des cas, nous ne savons pas les reproduire en laboratoire, les matériaux anciens sont à considérer tels quels. Loin de thématiques de recherche dans lesquelles le matériau analysé peut être adapté aux contraintes de l'expérience, nous devons composer avec l'hétérogénéité de ces matériaux, qu'elle résulte de leur composition d'origine ou de leur état de dégradation.
• Le facteur humain. Les matériaux des objets d'art ou d'archéologie sont empreints de singulier comme de collectif. Ils reflètent autant l'économie de sociétés passées, aux ressources souvent plus limitées que les nôtres, que l'initiative individuelle de l'artiste. Matières parfois extrêmement travaillées, ou bien fruit d'un désarçonnant amateurisme, il nous faut rechercher l'intentionnel, tenter de décrypter l'interaction entre les hommes et leur milieu, environnemental comme artistique.
Temps long, complexité, impact humain - trois paramètres essentiels à la compréhension de l'interaction entre l'homme, les espèces et leur environnement. Trois paramètres que notre Société à tant de mal à conjuguer, et qui se retrouvent ensemble au cœur des problématiques d'"écologie globale". Pour y répondre, sciences expérimentales, sciences humaines, sciences de l'environnement, sciences des données doivent pouvoir créer de nouvelles associations au-delà des enjeux proprement disciplinaires.
Loin d'un modèle simpliste, parfois véhiculé par les médias, où le chercheur en sciences du patrimoine serait un Indiana Jones du microscope œuvrant solitaire à la découverte de trésors perdus, le scientifique des matériaux anciens n'existe pas. Il est un réseau, un rhizome, où les connaissances à mobiliser sont tellement étendues que chacun ne peut apercevoir qu'un fragment du paysage global. Notre instrumentation, nos raisonnements, notre organisation sont à changer pour travailler sur des objets aussi interdisciplinaires par nature.
Alors, les matériaux anciens... au cœur des enjeux environnementaux et sociétaux actuels et futurs ?
Ils échangeront avec les chercheurs qui développent de nouveaux outils pour étudier les matériaux anciens de l'archéologie, du patrimoine, de la paléontologie et des paléo-environnements. Échantillons parfois quasi invisibles à l'œil nu comme objets sont étudiés sur la source de lumière voisine, le synchrotron SOLEIL, un anneau de 354 m de circonférence alimentant des lignes d'analyse où des microscopes aux formes baroques saisissent la composition, la structure, la morphologie de la matière pour les retranscrire en données numériques traitées en laboratoire.
Depuis quelques années, l'étude avancée des matériaux anciens conduit à d'étonnantes et hybrides créations multidisciplinaires. L'imagerie de rayons X est renouvelée par le développement de scanners rapides à grande échelle développés initialement pour l'étude de tableaux de musées. L'identification de terres rares dans des tissus fossiles, éléments chimiques dont les nouvelles technologies sont si gourmandes, conduit à des méthodes d'imagerie de spécimens paléontologiques entiers.
Le comportement de fers et verres archéologiques au temps long est étudié pour délimiter le champ des possibles des matériaux employables... pour le stockage du combustible nucléaire usagé. L'étude d'objets métalliques ou céramiques d'artistes ouvre à des matériaux dotés de nouvelles fonctionnalités. Sur une ligne de SOLEIL, l'analyse de pigments blancs de la fin du 19e siècle a stimulé les premiers travaux portant sur des nanostructures semi-conductrices pour la nano-photonique.
Car, ne nous y trompons pas, les sciences des matériaux anciens se retrouvent au centre d'enjeux extrêmement actuels. Pourquoi? Sans doute parce qu'ils nous obligent à décentrer le regard pour intégrer trois facteurs:
• Le temps long. Les matériaux anciens sont par définition altérés, endommagés, lacunaires. Remonter le temps exige de rechercher dans les tréfonds de la matière des indices concordants, sondables par des instruments à haute résolution. Les restes ne constituent pas nécessairement une image fidèle du passé tant l'épreuve du temps peut être sélective. Il faut accepter la perte d'information, la comprendre, la modéliser.
• La complexité. Parce que dans la plupart des cas, nous ne savons pas les reproduire en laboratoire, les matériaux anciens sont à considérer tels quels. Loin de thématiques de recherche dans lesquelles le matériau analysé peut être adapté aux contraintes de l'expérience, nous devons composer avec l'hétérogénéité de ces matériaux, qu'elle résulte de leur composition d'origine ou de leur état de dégradation.
• Le facteur humain. Les matériaux des objets d'art ou d'archéologie sont empreints de singulier comme de collectif. Ils reflètent autant l'économie de sociétés passées, aux ressources souvent plus limitées que les nôtres, que l'initiative individuelle de l'artiste. Matières parfois extrêmement travaillées, ou bien fruit d'un désarçonnant amateurisme, il nous faut rechercher l'intentionnel, tenter de décrypter l'interaction entre les hommes et leur milieu, environnemental comme artistique.
Temps long, complexité, impact humain - trois paramètres essentiels à la compréhension de l'interaction entre l'homme, les espèces et leur environnement. Trois paramètres que notre Société à tant de mal à conjuguer, et qui se retrouvent ensemble au cœur des problématiques d'"écologie globale". Pour y répondre, sciences expérimentales, sciences humaines, sciences de l'environnement, sciences des données doivent pouvoir créer de nouvelles associations au-delà des enjeux proprement disciplinaires.
Loin d'un modèle simpliste, parfois véhiculé par les médias, où le chercheur en sciences du patrimoine serait un Indiana Jones du microscope œuvrant solitaire à la découverte de trésors perdus, le scientifique des matériaux anciens n'existe pas. Il est un réseau, un rhizome, où les connaissances à mobiliser sont tellement étendues que chacun ne peut apercevoir qu'un fragment du paysage global. Notre instrumentation, nos raisonnements, notre organisation sont à changer pour travailler sur des objets aussi interdisciplinaires par nature.
Alors, les matériaux anciens... au cœur des enjeux environnementaux et sociétaux actuels et futurs ?
Les travaux menés par IPANEMA associent études fines de la composition et de la morphologie des matériaux, prise en compte des facteurs environnementaux et nécessaires innovations méthodologiques. Deux sujets seront présentés au public lors des journées du Patrimoine.
Nous étudions les processus de fossilisation dans des sites du Crétacé marocain (100 millions d'années) avec le Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Dans ces fossiles, la structure des tissus mous (la chair des poissons) est conservée, à tel point que les fibres musculaires restent identifiables au microscope électronique. L'étude synchrotron montre que des terres rares se sont fixées préférentiellement au sein de certains tissus à l'état de traces. Le contraste observé entre différentes parties du fossile ouvre de nouvelles voies d'identification d'indices morphologiques pour différencier les espèces. La brillance du synchrotron permet d'imager la présence de traces dans des fossiles entiers.
Dans le cadre de travaux d'archéologie, nous nous sommes intéressés à la conservation exceptionnelle de cheveux et textiles dans une sépulture médiévale, trouvée en place au Prieuré de la Madeleine à Orléans. Il s'agit de la sépulture de Marie de Bretagne, abbesse réformatrice de l'ordre de Fontevraud morte en 1477. L'imagerie synchrotron permet à la fois de confirmer l'exceptionnel état de conservation des fibres jusqu'à l'échelle atomique, et d'établir des cartes de composition dans des sections de cheveux. Nos résultats montrent que la conservation des cheveux est favorisée par du cuivre et du plomb d'origine exogène. Si la présence de ce dernier est logique (le cercueil de l'abbesse était recouvert de feuilles de plomb), l'origine du cuivre était inconnue, aucun objet en cuivre n'ayant été trouvé lors de la fouille. Ces travaux de microscopie ont encouragé une nouvelle fouille des vestiges archéologiques. Des éléments de parure en cuivre ont alors été identifiés par les archéologues. C'est l'analyse micro et nanoscopique de fibres qui a permis, indirectement, d'identifier l'objet!
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