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Béjaïa-Mostaganem : Le coude-à-coude macabre

Béjaïa-Mostaganem : Le coude-à-coude macabre

Chaque saison estivale, la mer avale des vies humaines et impose des bilans macabres de noyades sur les plages algériennes. En l’absence de campagne de sensibilisation appuyée, à l’instar de celle qui alerte chaque année sur le terrorisme des routes, le phénomène des noyades sur nos plages se passe presque en sourdine.

D’El Tarf à l’est jusqu’à Tlemcen à l’ouest, 1200 km de côtes et quelque 300 plages longent 14 wilayas côtières. Les dangers de la mer ne sont pas les mêmes partout et le décompte des noyades engage ces wilayas dans un sombre classement. 121 noyés sont à déplorer depuis le début de l’été dans le pays. Et la saison estivale n’est pas officiellement bouclée.

Il y a quelques jours, Béjaïa, l’une des destinations estivales les plus prisées du pays, a tenu le haut du classement national dans le triste tableau des noyades avec 15 noyés sur sa quarantaine de plages, autorisées ou non à la baignade, depuis le 1er juin. Quelques jours plus tard, la non moins méditerranéenne Mostaganem, au nord-ouest du pays, passe devant avec 18 noyés depuis l’ouverture officielle de la saison estivale.

L’été n’est pas fini et les plages algériennes ont continué à accueillir des baigneurs qui profitent jusqu’au dernier moment des plaisirs risqués de la mer. En 2014, Béjaïa était en tête du classement avec l’effroyable chiffre de 26 noyés, suivie par Mostaganem avec 20 noyés et Jijel avec 17. Au classement national 2015, le trio se maintient tristement en tête du tableau, les deux premières wilayas engagées dans un coude-à-coude macabre qui finit par propulser Mosta à la sinistre première place.

Samedi 29 août à Béjaïa, la liste s’est allongée d’une seizième noyade, une autre encore, le corps sans vie d’un homme de 57 ans, originaire de Ghardaïa, a été repêché à 8h30 par des baigneurs du côté de la plage de Oued Dass, sur la côte ouest de la wilaya. C’est la deuxième noyade déplorée sur cette partie du littoral bougiote, connu pour ses plages aux eaux profondes et pour être la destination privilégiée des Bougiotes. Dans cette partie du littoral qui garde encore par endroits sa virginité naturelle, on a un faible pour Les Aiguades, Tighremt, Saket et, entre autres, pour l’enchanteresse plage de Boulimat où est survenue la toute première noyade de la saison : un baigneur de Batna, 28 ans, s’y est noyé le 12 juin à 7h30.

Mais l’essentiel du flux des estivants se rend sur la côte est de la wilaya, de Béjaïa jusqu’à Melbou en passant par Boukhelifa, Tichy, Aokas et Souk El Tenine. Une bande côtière encombrée en été, où se déroule l’essentiel de l’activité estivale, qui absorbe le gros des effectifs de la Protection civile et où… l’on se noie le plus. Pourtant, le topo est tout autre.

Insouciance

A Tichy ou à Aokas, les eaux ne sont pas aussi profondes qu’à Boulimat. La côte a cela d’avantageux qu’elle permet une certaine sécurité aux non-initiés à la nage, les enfants en particulier. Mais, sur la plage de Oued Afalou, à Boukhelifa, commune voisine de Tichy, les eaux ont eu raison de l’impuissance d’un enfant de 5 ans, originaire de Aïn Naâdja, que sa famille n’a pas vu se noyer sur une plage au drapeau vert.

C’était le 14 août dernier, l’une des plus chaudes journées de l’été, qui a fait sortir des milliers de familles pour se rafraîchir sur des plages noires de monde et encombrées de parasols. Ce n’est malheureusement pas fini, une dix-septième noyade a été enregistrée le dimanche 30 août : des estivants ont signalé un corps flottant au large de la plage des Hammadites, à Tichy. Les plongeurs de la Protection civile ont repêché le cadavre décomposé d’un jeune homme d’environ 30 ans, vêtu d’un pantacourt. 17 noyades au compteur, 17 familles endeuillées.

L’insouciance et la non-maîtrise de la natation sont fatales malgré la mobilisation des moyens de la Protection civile : 30 plongeurs, 50 pompiers professionnels (chefs de poste) et 295 maîtres-nageurs recrutés comme saisonniers, mais pour un besoin qui n’a pas été satisfait. 65 postes n’ont pu être pourvus faute de jeunes intéressés, qui préfèrent la solde de Blanche Algérie pour moins d’heures de travail.  Du coup, tous les moyens sont bons pour certains jeunes maîtres-nageurs saisonniers qui tentent d’arrondir leurs fins de mois sur la plage même ; ils s’improvisent parfois gardiens de parking, d’autres loueurs de pédalos.

A l’échelle nationale, 48 baigneurs ont perdu la vie sur des plages surveillées. 30 parmi eux pendant les heures de surveillance. A Béjaïa, deux noyades sont survenues sur des plages surveillées et en présence d’un drapeau vert, dont celle ayant coûté la vie à l’enfant de 5 ans de Aïn Naâdja. L’autre est le fait d’une hydrocution : un jeune homme de 24 ans, originaire de Batna, a été terrassé par une crise cardiaque au contact brutal de l’eau après un bain de soleil trop chaud sur une plage de Tichy. Le changement brusque de température l’a immobilisé dans l’eau.

Qui des centaines de milliers de baigneurs est conscient de ces risques de syncope ? L’ignorance est, dans ce cas, mortelle. Sur les plages interdites, le risque est encore plus élevé. La preuve, plus de 60% des 121 noyades à l’échelle nationale, soit 73, y ont eu lieu. Et c’est à Mostaganem que les dégâts sont les plus importants : 14 noyés. En 2014, ils étaient encore plus nombreux : 95 noyés sur des plages interdites.

Sauvés d’une mort certaine

A Béjaïa, cinq baigneurs se sont noyés sur des plages où il n’y avait aucun maître-nageur, parce qu’interdites à la baignade. Ce fut le cas à Melbou, Boukhelifa et Souk El Tenine. Les victimes sont toutes des jeunes âgés entre 16 et 21 ans, originaires de Sétif, Béchar et Béjaïa.

Le reste des noyades est surtout du à une mer agitée qui rend la baignade dangereuse et interdite. Le drapeau rouge hissé sur les postes de la Protection civile ne suffit pas à dissuader les baigneurs de plonger. Six jeunes sont morts dans de telles conditions dont quatre à Souk El Tenine. Agés entre 17 et 34 ans, ils étaient de Médéa, Béjaïa, Djelfa, Sétif, Bordj Bou Arréridj et Ouargla (Touggourt).

Les maîtres-nageurs n’ont ni le pouvoir ni les moyens d’empêcher la baignade dans une mer agitée et cela réduit incontestablement l’efficacité de leur présence. Ils sont absents sur les plages interdites à la baignade et cela aussi ne dissuade pas les vacanciers de nager. Il suffit quelquefois d’un rien pour autoriser à la baignade des plages interdites pour défaut d’accès aménagé. L’effort attendu des pouvoirs publics à ce propos vaut des vies humaines.

On nage là où on veut et aux heures qu’on veut. Avant 9h et après 19h, les estivants nagent à leurs risques et périls. Des baigneurs se sont noyés en dehors des heures de surveillance des plages. Ce fut le cas pour 18 victimes dans tout le pays. Autant de conditions qui favorisent des conséquences tragiques. Les éléments de la Protection civile de Béjaïa sont intervenus 5000 fois sur les plages pendant la saison estivale, dont près de 3000 pour sauver des baigneurs d’une noyade certaine.

C’est dire que sur nos folles plages sans maîtres-nageurs, la catastrophe aurait pu être autrement plus dramatique. Et selon les statistiques officielles, arrêtées au 19 septembre la direction générale de la Protection civile (DGPC) «32 368 personnes  ont été sauvées d’une mort certaine» sur les plages du pays. Un chiffre énorme qui donne froid dans le dos. Des secours qui n’auraient pas pu intervenir sur les plages interdites. Vers la fin du mois d’août, Mostaganem est passée à 19 noyés enregistrés, occupant la tête de liste sur les 14 wilayas côtières du pays et supplantant, dans ce sinistre classement, Béjaïa rejointe par Jijel avec 17 noyés dans chacune de ces deux wilayas voisines.

Mais Mostaganem ne s’est malheureusement pas arrêtée à ce seuil, un vingtième noyé a allongé la liste.

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