La montée silencieuse des eaux dans le Pacifique
Essentiellement produit par les pays riches, le réchauffement climatique percute les populations en marge de la dynamique production/consommation, notamment dans les îles du Pacifique. Des changements majeurs sont en cours dans certaines d'entre elles, pouvant engendrer dans des cas extrême leur disparition sous les eaux et des migrations de population venant augmenter le nombre des réfugiés climatiques. Le temps presse.
Des cocotiers et des manguiers qui croissent et donnent des fruits pour la première fois sous cette latitude, des poissons empoisonnés par la ciguatera, des oursins qui meurent de façon incompréhensible, des vagues qui érodent son littoral et atteignent la route qui longe la grande baie intérieure au point de la rendre parfois impraticable... Aux antipodes de la France et oubliée du monde, l'île de Rapa, la plus méridionale de la Polynésie française, est aujourd'hui touchée par les effets du réchauffement climatique. Son isolement (l'île la plus proche dans l'archipel des Australes se trouve à près de 600km) et le fait d'être uniquement reliée au monde extérieur par un cargo mixte tous les deux mois a permis à sa petite communauté de 500 personnes de développer un protectionnisme insulaire pensé et organisé autour de solidarités réciproques. Elle a résisté à l'imposition du code civil français sur la question foncière et s'enorgueillie d'être la seule à avoir conservé un principe de propriété collective de la terre, à travers un Conseil des Sages élu qui attribue des parcelles égales à ses habitants pour un unique droit d'usage (et non de propriété privée ). Mais les efforts de cette société, peu visitée car difficile d'accès, pour définir en ses termes la vie locale sont désormais remis en cause par l'interconnexion planétaire. La végétation s'enrichit d'espèces non endémiques qui ne pouvaient auparavant s'adapter à son climat subtropical et son environnement marin connaît une évolution inquiétante. Il s'agit pourtant d'une île haute, avec une montagne culminant à 650 m, et qui est de ce fait supposée plus en sécurité que d'autres îles face à la montée des eaux.
La fonte généralisée des calottes glaciaires arctiques et antarctique et du Groenland, résultant des perturbations anthropiques de l'atmosphère depuis la seconde moitié du 20ème siècle par les gaz à effet de serre et les aérosols sulfatés, met en danger plusieurs sites naturels de la planète. Outre l'apparition croissante de sécheresses, d'ouragans et d'inondations, l'élévation progressive des océans engendre l'érosion côtière et la salinisation des sols qui affecte les cultures. Entre 2008 et 2012, près de 144 millions de personnes ont été poussées à l'exode du fait de phénomènes météorologiques exceptionnels. Et le processus continue, avec une personne obligée de déménager chaque seconde pour des raisons climatiques.
Selon les groupes d'experts, le niveau de la mer a augmenté de 17cm au 20ème siècle. Les modèles prévisionnels indiquent qu'elle pourrait s'élever de 0,30 cm à (pour les simulations les plus pessimistes) 1 mètre d'ici 2100. Or une très grande partie de la population mondiale (60%) vit en bordure des océans (jusqu'à 20km de la côte) et plus de la moitié des grandes villes de la planète se trouvent sur le littoral et ne sont pas à l'abri d'inondations de grande ampleur. Les îles du Pacifique abritent environ 10 millions d'habitants dont 4 millions vivent dans des atolls (îles coralliennes basses avec une bande des terres étroite) ne dépassant pas 3 mètres d'altitude et sont les premières victimes de la lente montée des eaux. Des routes sont menacées de submersion, des villages commencent à être déplacés, des aéroports deviennent inutilisables à marée haute, des cyclones sont de plus en plus ravageurs, des tsunamis apparaissent, etc. Si le réchauffement marin se poursuit, un déplacement des populations s'avère être l'unique solution pour plusieurs îles. Tuvalu et Kiribati sont deux archipels polynésiens emblématiques car leurs atolls coralliens (9 dans le premier et 33 dans le second) sont menacés d'ennoiement et ils pourraient être les premiers Etats insulaires à quitter dans leur totalité leur sol natal pour des raisons climatiques.
Avec une superficie émergée de 4.200 km² dispersée sur une surface comparable à l'Europe, la Polynésie française, qui comprend 84 atolls sur ses 118 îles, n'échappe évidemment pas à la montée progressive des eaux dont l'impact doit être particulièrement anticipé dans deux de ses cinq archipels, les Gambier et les Tuamotu, où les atolls ne s'élèvent souvent qu'à 1 ou 2 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le 5e volume du rapport sur le climat de la France au 20ème siècle, remis à Ségolène Royal en mars dernier, signale une hausse préoccupante de 21cm le long des côtes polynésiennes entre 1950 et 2010 (soit 3,5mm/an). Or la majeure partie de la population réside sur l'étroite plaine littorale de Tahiti et celle vivant dans les atolls des Tuamotu se trouve dans l'impossibilité de se replier sur les hauteurs lorsqu'elle est percutée par les cyclones.
Les spécialistes, réalistes et peu optimistes, prédisent une augmentation des températures océaniques et une montée globale du niveau des mers affectant aussi les îles hautes. La situation n'est pas encore dramatique en Polynésie française mais des signes avant coureur rappellent l'obligation d'agir sans tarder (et ceci même à Tahiti où des houles inhabituelles heurtent la digue et recouvrent en partie les quais du port de Papeete). Mais les aménagements locaux pour anticiper ou gérer la montée des eaux ne résolvent pas le problème de fond.
Les Forum des îles du Pacifique (FIP), dans lesquels la Polynésie française a le statut de membre associé depuis 2006, qui ont lieu chaque année dans l'un des seize Etats de l'Océanie, relèvent systématiquement une aggravation graduelle de la situation. Face à cette situation dramatique, les initiatives politiques capitales se font attendre. Une nouvelle chance d'agir pour de bon se présente du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris avec la Conférence mondiale sur le climat (COP-21) la plus importante de ces dernières années, qui va réunir plus de 190 pays pour envisager des solutions. Au même moment, dans le silence océanique, les habitants de Rapa continueront à contempler impuissants la mer s'incruster peu à peu dans l'île qu'ils se sont jusqu'à présent efforcés de protéger autant qu'ils pouvaient des interférences extérieures, notamment en refusant la construction d'un aéroport. Dans le monde globalisé d'aujourd'hui, l'avenir de cette petite société insulaire, comme celui de bien d'autres sociétés du Pacifique, se joue loin d'elle...
Des cocotiers et des manguiers qui croissent et donnent des fruits pour la première fois sous cette latitude, des poissons empoisonnés par la ciguatera, des oursins qui meurent de façon incompréhensible, des vagues qui érodent son littoral et atteignent la route qui longe la grande baie intérieure au point de la rendre parfois impraticable... Aux antipodes de la France et oubliée du monde, l'île de Rapa, la plus méridionale de la Polynésie française, est aujourd'hui touchée par les effets du réchauffement climatique. Son isolement (l'île la plus proche dans l'archipel des Australes se trouve à près de 600km) et le fait d'être uniquement reliée au monde extérieur par un cargo mixte tous les deux mois a permis à sa petite communauté de 500 personnes de développer un protectionnisme insulaire pensé et organisé autour de solidarités réciproques. Elle a résisté à l'imposition du code civil français sur la question foncière et s'enorgueillie d'être la seule à avoir conservé un principe de propriété collective de la terre, à travers un Conseil des Sages élu qui attribue des parcelles égales à ses habitants pour un unique droit d'usage (et non de propriété privée ). Mais les efforts de cette société, peu visitée car difficile d'accès, pour définir en ses termes la vie locale sont désormais remis en cause par l'interconnexion planétaire. La végétation s'enrichit d'espèces non endémiques qui ne pouvaient auparavant s'adapter à son climat subtropical et son environnement marin connaît une évolution inquiétante. Il s'agit pourtant d'une île haute, avec une montagne culminant à 650 m, et qui est de ce fait supposée plus en sécurité que d'autres îles face à la montée des eaux.
La fonte généralisée des calottes glaciaires arctiques et antarctique et du Groenland, résultant des perturbations anthropiques de l'atmosphère depuis la seconde moitié du 20ème siècle par les gaz à effet de serre et les aérosols sulfatés, met en danger plusieurs sites naturels de la planète. Outre l'apparition croissante de sécheresses, d'ouragans et d'inondations, l'élévation progressive des océans engendre l'érosion côtière et la salinisation des sols qui affecte les cultures. Entre 2008 et 2012, près de 144 millions de personnes ont été poussées à l'exode du fait de phénomènes météorologiques exceptionnels. Et le processus continue, avec une personne obligée de déménager chaque seconde pour des raisons climatiques.
Selon les groupes d'experts, le niveau de la mer a augmenté de 17cm au 20ème siècle. Les modèles prévisionnels indiquent qu'elle pourrait s'élever de 0,30 cm à (pour les simulations les plus pessimistes) 1 mètre d'ici 2100. Or une très grande partie de la population mondiale (60%) vit en bordure des océans (jusqu'à 20km de la côte) et plus de la moitié des grandes villes de la planète se trouvent sur le littoral et ne sont pas à l'abri d'inondations de grande ampleur. Les îles du Pacifique abritent environ 10 millions d'habitants dont 4 millions vivent dans des atolls (îles coralliennes basses avec une bande des terres étroite) ne dépassant pas 3 mètres d'altitude et sont les premières victimes de la lente montée des eaux. Des routes sont menacées de submersion, des villages commencent à être déplacés, des aéroports deviennent inutilisables à marée haute, des cyclones sont de plus en plus ravageurs, des tsunamis apparaissent, etc. Si le réchauffement marin se poursuit, un déplacement des populations s'avère être l'unique solution pour plusieurs îles. Tuvalu et Kiribati sont deux archipels polynésiens emblématiques car leurs atolls coralliens (9 dans le premier et 33 dans le second) sont menacés d'ennoiement et ils pourraient être les premiers Etats insulaires à quitter dans leur totalité leur sol natal pour des raisons climatiques.
Avec une superficie émergée de 4.200 km² dispersée sur une surface comparable à l'Europe, la Polynésie française, qui comprend 84 atolls sur ses 118 îles, n'échappe évidemment pas à la montée progressive des eaux dont l'impact doit être particulièrement anticipé dans deux de ses cinq archipels, les Gambier et les Tuamotu, où les atolls ne s'élèvent souvent qu'à 1 ou 2 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le 5e volume du rapport sur le climat de la France au 20ème siècle, remis à Ségolène Royal en mars dernier, signale une hausse préoccupante de 21cm le long des côtes polynésiennes entre 1950 et 2010 (soit 3,5mm/an). Or la majeure partie de la population réside sur l'étroite plaine littorale de Tahiti et celle vivant dans les atolls des Tuamotu se trouve dans l'impossibilité de se replier sur les hauteurs lorsqu'elle est percutée par les cyclones.
Les spécialistes, réalistes et peu optimistes, prédisent une augmentation des températures océaniques et une montée globale du niveau des mers affectant aussi les îles hautes. La situation n'est pas encore dramatique en Polynésie française mais des signes avant coureur rappellent l'obligation d'agir sans tarder (et ceci même à Tahiti où des houles inhabituelles heurtent la digue et recouvrent en partie les quais du port de Papeete). Mais les aménagements locaux pour anticiper ou gérer la montée des eaux ne résolvent pas le problème de fond.
Les Forum des îles du Pacifique (FIP), dans lesquels la Polynésie française a le statut de membre associé depuis 2006, qui ont lieu chaque année dans l'un des seize Etats de l'Océanie, relèvent systématiquement une aggravation graduelle de la situation. Face à cette situation dramatique, les initiatives politiques capitales se font attendre. Une nouvelle chance d'agir pour de bon se présente du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris avec la Conférence mondiale sur le climat (COP-21) la plus importante de ces dernières années, qui va réunir plus de 190 pays pour envisager des solutions. Au même moment, dans le silence océanique, les habitants de Rapa continueront à contempler impuissants la mer s'incruster peu à peu dans l'île qu'ils se sont jusqu'à présent efforcés de protéger autant qu'ils pouvaient des interférences extérieures, notamment en refusant la construction d'un aéroport. Dans le monde globalisé d'aujourd'hui, l'avenir de cette petite société insulaire, comme celui de bien d'autres sociétés du Pacifique, se joue loin d'elle...
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