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Pourquoi j'ai écrit une pièce de théâtre qui donne envie de déconnecter

Pourquoi j'ai écrit une pièce de théâtre qui donne envie de déconnecter THÉÂTRE - Lorsque l'on me questionne sur "Le Prochain Train", je pense toujours au poème qui se trouve en préface du texte.

"Je te parle de ce lien qu'il y a entre nous. Tu ne le vois pas, tu ne peux le sentir, le toucher, ou l'entendre. Il n'apporte aucun goût dans ta bouche. Mais il est là, entre l'autre et toi, il vous éclaire et vous lie. Et jusqu'à aujourd'hui, il nous appartenait encore"

J'ai écrit ce poème bien avant de coucher sur papier le premier mot de la pièce. Je le vois comme une promesse. Il donne le ton. Il annonce une fable moderne sur la séparation et la rencontre, une histoire teintée d'humour et de mélancolie.

La pièce se résume quant à elle assez simplement : Vincent est un toxicomane du travail, si occupé que sa femme le quitte sans qu'il ne s'en aperçoive. Incapable de se gérer seul, il décide d'embaucher Karine, une professionnelle des réseaux sociaux, afin qu'elle lui fasse exister une vie. "Le Prochain Train" est leur tendre et singulière histoire, un conte romantique sur ce qu'il advient de nos liens à l'Ère du numérique.

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Évoluant dans un milieu très connecté, je m'intéressais depuis longtemps aux transformations numériques. Les mutations technologiques et leur impact dans tous les secteurs de notre société sont des sujets protéiformes et complexes. Ils sont encore trop souvent traités dans d'obscurs écrits technocratiques ou, à l'inverse, au travers de lieux communs opposant les vieux cons et les jeunes connectés.

"Le Prochain Train" ne pose pas le débat en termes d'ancienne ou de nouvelle génération. La pièce ne maugrée pas que c'était mieux avant. Elle pose de simples questions : savons-nous où nous allons ? Qui a choisi cette direction ? A qui appartiennent ces rails où nous nous bousculons ? Elle ouvre des pistes de réflexion au travers d'un état des lieux : toutes les routes sont à découvrir dès lors que l'on est conscient de ce que l'on fait et que l'on en comprend les enjeux.

La pièce parle de problématiques très actuelles : l'abandon de notre intimité à la sphère publique du web, la marchandisation des vies privées dans l'univers du tout gratuit, la permanence d'information qui change notre rapport au temps, la mutation de la notion d'identité. La scène est l'occasion d'échanges inattendus. On s'interroge sur nos liens, une manette de jeu à la main, tout en discutant de la Singularité, de Snapchat et de Spinoza. Cela se fait au travers d'une histoire humaine, sans jugement ni idées reçues, mais également sans compromis.

Cette approche est défendue sur scène au travers de deux distributions. Jeanne Couppié et Stéphane Duguin lancèrent la pièce sur les planches d'Avignon en 2014, avec un excellent retour aussi bien du public que des critiques. C'est aujourd'hui Elsa de Belilovsky et Bruno Hausler qui portent cette fable avec sincérité et talent, sous la direction tout en nuances de Laetitia Grimaldi.

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Pourquoi porter cette parole au théâtre ? J'ai souvent à répondre à cette interrogation. De fait, les questions sur l'impact de la technologie sur nos vies sont partout. Elles sont par exemple très présentes sur les réseaux sociaux ou les médias spécialisés. Mais garder le débat sur le numérique à l'intérieur du numérique, c'est toucher des gens déjà au courant et ne pas atteindre ceux qui s'en considèrent extérieurs, c'est mélanger le sujet et le support si intimement que cela brouille la réflexion. Porter ces questionnements au théâtre m'est dès lors apparu comme une évidence.

"Le Prochain Train" a été une des premières pièces à aborder le numérique en tant que sujet de réflexion, sans gadget ni lieu commun. Elle place l'humain au cœur de la scène. Car si la technologie est le thème de la pièce, le propos est avant tout une ode à la rencontre. C'est pourquoi j'ai choisi de construire un spectacle sans effet numérique. Ce qui m'intéresse est moins l'écran que celui qui le regarde. L'idée est ainsi de passer une heure vingts de déconnection à observer des connectés. J'ai donc entrepris de créer un huis clos intime, tout en manoeuvrant autour d'une évidente difficulté : comment faire ressentir l'enfermement quand le virtuel offre aux personnages la magie de l'ubiquité ? C'est le défi que j'ai soumis à la création lumière de Caroline Gicquel (Nominée aux Molières pour "Mangez le si vous voulez"). Caroline à su peindre un univers tout en nuances, qui passe lentement du numérique au charnel. La pièce joue dès lors sur la progression de l'engagement physique, sortant les personnages petit à petit de leur torpeur. Chaque échange, chaque connivence se charge de sens puis vient l'instant où face à soi, incrédule de l'heure tardive et des souvenirs hésitants, on se risque vers l'autre.

Cela est lié à un dispositif artistique qui joue sur les contraires : un huis clos pour montrer l'ubiquité, une musique aux accents classique pour faire résonner un espace technologique, une scénographie quasi immobile au milieu de torrents d'informations. Ces contraires font échos aux paradoxes de notre temps : une liberté d'expression totale qui cohabite avec une surveillance permanente, des obstinations à protéger la vie privée en utilisant des outils marchands.



J'ai écrit ce texte avec la certitude qu'un troisième personnage serait sur scène : la musique. C'est pourquoi j'ai contacté Cédric le Guillerm dont je suis un grand admirateur pour son travail de mise en musique des pièces de Vincent Clergironnet. La pièce demandait une ambiance musicale aux antipodes du bruit numérique, une composition sincère, narratrice d'une histoire sans âge. C'est ainsi qu'un quatuor à cordes et un piano jouent des thèmes sobres aux accents classiques. Des percussions apportent force et urgence à l'ensemble. La musique accompagne le propos mais ne le sous-titre pas. Elle est comme un conteur qui lève le voile sur le salon de Vincent. Elle porte l'indice de l'universalité du propos. C'est un récit qu'elle a déjà raconté. Elle le dit de nouveau, comme on parle d'un vieil ami que les années n'ont pas changé.

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Je suis spécialement touché par le fait que l'évidence des planches pour porter un tel sujet soit reconnue par les professionnels du numérique. Le spectacle a été sélectionné par la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING - www.fing.org) pour le Carrefour des Possibles 2014. Enfin, il a été sélectionné comme événement culturel pour la semaine de l'Industrie 2015, en partenariat avec le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique. Selon la FING, la pièce est « une action de médiation, qui donne à comprendre qui met en scène l'action du numérique sur nous, sur les deux corps des acteurs, leurs vies.» Ils se disent frappés par la pièce « dont la forme artistique donne à comprendre et peut toucher un grand nombre ». La pièce a également séduit les chroniqueurs de podcasts orientés jeu video/technologie comme Silence on Joue ou le Rendez-vous Tech. Le projet est lauréat du Fonds Musique en Scène 2014 de la SACD et fait l'objet du soutien de la SPEDIDAM. Il est également le premier projet lauréat de l'opération "Soutenons la création dans le OFF" lancée par Avignon Festival & Compagnies, organisateurs du OFF 2014. Il est également programmé dans les alliances françaises des Pays-Bas pour la saison 2015-2016 ainsi qu'au théâtre Royal de La Haye. Le texte est en cours d'adaptation pour un script cinématographique.

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L'aventure de "Le Prochain Train" est rapidement devenu un projet collectif alliant musique, texte, scène et lumière. Au final, il reste un échange humain, une passion partagée de défendre ce lien qui nous unit, peu importe sa nature. Cette pièce à été pour moi une vraie révélation, une transformation... Au-delà de ces courses effrénée que nous poursuivons, en revenir au coeur, à la base, au moteur : le lien.

Le Prochain Train, théâtre de la Manufacture des Abbesses, du 07 octobre au 28 novembre, www.leprochaintrain.com
(Credit visuels - MrLucasIsOnline/Paperscratch)


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