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Je vis sans frontière

Ce discours a été prononcé à l'occasion de l'événement Wired 2015.

En Russie, on a une blague assez triste, celle d'un Russe très pressé à la frontière. Le douanier du pays frontalier lui dit: "Vous ne voyez pas que je suis occupé?" Et le Russe lui répond: "Ne nous donnez pas des idées!"

Chaque fois que je voyage à l'étranger, je ne sais vraiment pas quoi répondre quand on me demande le but de ma visite.

Jʼai lʼimpression de ne correspondre à aucune des catégories existantes. Je mène une vie sans frontières.

Suis-je une simple touriste? Mais si je viens pour prononcer un discours ou pour le travail, pour une action militante, pour écrire une chanson ou mʼinstaller temporairement? Suis-je résidente, travailleuse, touriste ou autre chose encore?

Je n'habite nulle part et partout à la fois: jʼétais à Sofia hier, à Londres aujourdʼhui, et à Moscou la semaine prochaine.

Je mène une vie sans frontière.

Quand Ai Weiwei a finalement obtenu le droit de voyager hors de Chine, nous lʼavons rencontré à Berlin. Il est en ce moment à Pekin, et reviendra à Berlin la semaine prochaine. Dans l'immense majorité des cas, les frontières sont aujourd'hui une notion assez abstraite pour la plupart d'entre nous.

Quand j'ai été transférée d'une prison à l'autre, le directeur de la prison de Moscou nous a interrogées sur nos villes dʼorigine. Quand mon tour est arrivé, jʼai répondu:

"Je suis citoyenne du monde!"

Le directeur, très énervé, sʼest mis à hurler:

"Dehors, tu es une citoyenne, mais ici, tu nʼes quʼune détenue!"

Comme lʼa dit la philosophe féministe Rosi Braidotti: "À lʼaube du troisième millénaire, période de mobilité mondiale et différenciée, la plupart de nos lieux de vie se caractérisent par une sorte de nomadisme diffus."

Le nomadisme actuel intègre donc clairement la notion de mobilité des frontières. Traverser les territoires et passer les frontières de tous les pays engendre un sentiment intense.

Comme le dit Braidotti - sʼil vous plaît, ne manquez pas de la lire si ce nʼest déjà fait! -, le nomade idéal est doté des qualités suivantes:

Primo, la mobilité, c'est-à-dire la capacité à se déplacer sans entraves, par-delà les frontières.

Secundo, une définition fluide de soi. Quand on se fait lʼeffet dʼun citoyen du monde, sans limites fixes pour définir notre nationalité, notre lieu de vie, notre citoyenneté, notre appartenance raciale ou notre classe sociale.

Tertio, une grande activité. Un nomade est très actif, et très engagé.

Lʼéconomie mondialisée s'est construite sur les idéaux du nomadisme: elle ne connaît déjà plus de frontières. Les lois et les gouvernements sont bien plus lents, voire sérieusement à la traîne.

Nos gouvernements sont toujours imprégnés du pouvoir de ces frontières. Cʼest pour cette raison que lʼEurope peut les fermer aux réfugiés, et que Poutine peut sʼemparer de la Crimée. Nous devons abandonner cette logique héritée du XIXe siècle, et mieux comprendre le monde du XXIe siècle, un monde sans frontières. Le XXIe siècle est celui des idées, pas celui des frontières verrouillées, des clôtures en barbelés, des camps de réfugiés et des armées gigantesques.

Et quʼest-ce que la mondialisation - dans le bon sens du terme - si nous vivons réellement dans un monde de plus en plus global? Cʼest la libre circulation des personnes, des biens et des idées.

Les migrants ont un esprit dʼinnovation et dʼentreprise. Au XIXe siècle, un tiers de la population suédoise, irlandaise et italienne a émigré dans différents pays, dont les Etats-Unis, qui sont l'exemple type du dynamisme d'un pays dʼimmigrés.

Nous pensons vraiment que lʼimmigration massive actuelle va énormément stimuler la croissance économique européenne, comme elle a permis aux États-Unis de s'engager sur la voie du succès et de la prospérité au début du XXe siècle. LʼEurope, et notamment les pionniers de la nouvelle ère technologique, doivent réfléchir à la meilleure manière de collaborer avec les nouveaux Européens qui nous arrivent du Moyen-Orient, dʼAfrique, dʼAsie et d'autres régions de la planète, et de les intégrer.

Prouvons que les bombardements ne sont pas l'unique réponse des nations démocratiques aux problèmes internationaux. Quʼelles savent aussi accueillir des millions de nouveaux citoyens, et travailler avec eux pour obtenir de grands résultats.

En tant que citoyens, nous ne devons pas nous reposer sur nos gouvernements, qui sont parfois trop lents, trop apathiques, et bien trop entravés par les tendances et le vote populistes. Prenons le contrôle de la situation, construisons des réseaux, utilisons la technologie pour réussir là où nos propres gouvernements échouent.

Si le Premier ministre britannique, David Cameron, qualifie les migrants de "nuée humaine", il nous faut prendre le contre-pied en leur témoignant toute notre chaleur et notre solidarité. Nous pouvons par exemple collecter des fonds, créer des applications utiles aux migrants, et bâtir des maisons et des abris dans le camp de réfugiés que lʼon surnomme la jungle de Calais, comme le font nos amis londoniens.

Ou prendre exemple sur la merveilleuse initiative des Islandais qui se sont réunis pour offrir aux réfugiés 10.000 places dans leurs propres maisons.

Réfléchissons à la manière d'avancer de manière créative et de tirer parti des outils que nous offre cette nouvelle ère numérique pour devenir une société accueillante, où les gens peuvent travailler ensemble dans un esprit dʼouverture et de sincérité.

Dans une vie sans frontières.


Credit: Ilya Varlamov


Credit: Vianney Le Caer


Credit: Vianney Le Caer

Ce blog, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

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