Éthique des relations homme-animal: trouvons une "juste mesure"
Nous avons animé pendant près de cinq ans un groupe de travail, composé de membres de l'Académie d'Agriculture et de l'Académie vétérinaire, sur le thème de l'éthique des relations homme-animal, avec pour objectif de respecter une "juste mesure" dans nos réflexions. Il nous paraissait en effet que l'"animal" (comprendre : les animaux qui sensibilisent l'homme) tenait une place de plus en plus importante dans la société, conséquence de l'attachement que les urbains portent à leurs animaux familiers, mais aussi d'un militantisme très actif d'organisations de protection animale. Celles-ci sont diverses, allant des SPA, qui méritent l'estime et l'aide de tous, à des groupes radicaux qui doivent, eux, susciter une certaine méfiance. Nous pensons être parvenus à tenir cette juste mesure, comme nous l'exprimons dans un livre qui vient d'être publié. Tout à fait par hasard, il sort au moment où l'opinion publique s'est émue des conditions d'abattage des animaux à Alès.
Nous venons de revoir la vidéo, sur Internet. En dehors des personnes qui travaillent dans un abattoir et qui, par nécessité, sont bien obligées de s'habituer et de s'"endurcir", rentrer dans un tel établissement est toujours éprouvant. Et lorsque l'on condense sur une vidéo un certain nombre de scènes pénibles, minutieusement choisies dans un vaste ensemble plus anodin, on comprend que les spectateurs ressentent une forte émotion. Les conditions de transport et d'abattage des animaux étant bien réglementées, l'enquête en cours dira si l'abattoir d'Alès contrevient à la règlementation ou si les images regroupées dans la vidéo font partie d'inévitables dérapages occasionnels.
De toute manière, le but de la vidéo n'est pas dans les images - elles ne sont qu'un moyen - mais dans les propos tenus par la présentatrice. Elle dit, à la fin: "Aucune société évoluée ne peut accepter une telle souffrance (...) Pour ma part, j'ai cessé de participer à la souffrance de ces animaux en cessant de les manger". Il apparaît donc clairement que la vidéo est au service d'un engagement militant, fortement teinté de veganisme, qui est tout à fait respectable lorsqu'il concerne l'engagement d'un individu, mais devient très discutable lorsqu'il prétend entraîner tout le monde.
On tient, avec cette vidéo, un bel exemple d'une position radicale qui incite à prendre une certaine distance et rechercher la "juste mesure". Des excès comparables, provenant de la même ou d'autres mouvances, s'observent dans toutes les composantes de l'éthique animale et bénéficient d'un incontestable succès médiatique. Au premier chef : l'élevage ! Ce sont les élevages dits "industriels" qui sont visés, mais la tendance est de plus en plus forte à y intégrer l'élevage "moderne", ce qui revient à idéaliser ce qui se faisait autrefois et les diverses formes actuelles d'élevage sous signes de qualité. Si le développement de ces dernières est à souhaiter, il n'est pas admissible de condamner en bloc l'élevage moderne au nom des conditions de "mal-être" que connaissent les animaux. Et il ne faut surtout pas oublier que l'"industrialisation" des élevages de volailles et de porcs s'est faite sous la pression de la société de consommation, dont le but est clairement de réduire le plus possible le coût de la nourriture pour les ménages. Il reste que certaines pratiques d'élevage demandent bien à être corrigées. L'expérimentation animale suscite elle aussi un rejet total de la part de certaines organisations. Or, en l'état actuel, elle demeure globalement indispensable. Il est toutefois nécessaire de réduire le nombre d'animaux utilisés, de recourir à une méthode de substitution fiable lorsque c'est possible, et d'aménager le protocole de l'expérimentation proprement dite avec le souci de réduire le mal-être des animaux. A notre connaissance, c'est ce qui se fait. Bien d'autres secteurs où l'animal est présent - à la limite : tous- suscitent des positions extrêmes. Certes, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que les militants ont joué un rôle positif en sensibilisant les utilisateurs d'animaux et l'opinion publique à l'éthique animale, mais les positions radicales ne peuvent être acceptées.
Un élément contribue à radicaliser ces positions : se focaliser sur le seul animal, sans tenir le moindre compte de l'environnement humain -expression volontairement très générale- dans lequel il est utilisé. Or, de fortes pressions s'exercent parfois, notamment en élevage, qui réduisent grandement les possibilités d'entreprendre des mesures correctrices. Il est facile de traiter, avec toujours une inévitable dose d'anthropomorphisme, de l'éthique de l'animal en élevage, il est beaucoup plus difficile de traiter de l'éthique de l'élevage.
Il est nécessaire de rappeler avec force quelques principes fondamentaux:
D'autres principes pourraient être rappelés, notamment l'universalité de la présence de la violence dans la nature et la fonction de prédateur de certaines espèces, dont l'homme fait partie.
Il reste à s'entendre sur la manière de tenir compte et de respecter ces divers principes. Est-ce un rêve d'imaginer qu'il soit possible un jour de réunir toutes les tendances de la protection animale, y compris les plus radicales, pour tenter de s'accorder sur une "juste mesure"?
Nous venons de revoir la vidéo, sur Internet. En dehors des personnes qui travaillent dans un abattoir et qui, par nécessité, sont bien obligées de s'habituer et de s'"endurcir", rentrer dans un tel établissement est toujours éprouvant. Et lorsque l'on condense sur une vidéo un certain nombre de scènes pénibles, minutieusement choisies dans un vaste ensemble plus anodin, on comprend que les spectateurs ressentent une forte émotion. Les conditions de transport et d'abattage des animaux étant bien réglementées, l'enquête en cours dira si l'abattoir d'Alès contrevient à la règlementation ou si les images regroupées dans la vidéo font partie d'inévitables dérapages occasionnels.
De toute manière, le but de la vidéo n'est pas dans les images - elles ne sont qu'un moyen - mais dans les propos tenus par la présentatrice. Elle dit, à la fin: "Aucune société évoluée ne peut accepter une telle souffrance (...) Pour ma part, j'ai cessé de participer à la souffrance de ces animaux en cessant de les manger". Il apparaît donc clairement que la vidéo est au service d'un engagement militant, fortement teinté de veganisme, qui est tout à fait respectable lorsqu'il concerne l'engagement d'un individu, mais devient très discutable lorsqu'il prétend entraîner tout le monde.
On tient, avec cette vidéo, un bel exemple d'une position radicale qui incite à prendre une certaine distance et rechercher la "juste mesure". Des excès comparables, provenant de la même ou d'autres mouvances, s'observent dans toutes les composantes de l'éthique animale et bénéficient d'un incontestable succès médiatique. Au premier chef : l'élevage ! Ce sont les élevages dits "industriels" qui sont visés, mais la tendance est de plus en plus forte à y intégrer l'élevage "moderne", ce qui revient à idéaliser ce qui se faisait autrefois et les diverses formes actuelles d'élevage sous signes de qualité. Si le développement de ces dernières est à souhaiter, il n'est pas admissible de condamner en bloc l'élevage moderne au nom des conditions de "mal-être" que connaissent les animaux. Et il ne faut surtout pas oublier que l'"industrialisation" des élevages de volailles et de porcs s'est faite sous la pression de la société de consommation, dont le but est clairement de réduire le plus possible le coût de la nourriture pour les ménages. Il reste que certaines pratiques d'élevage demandent bien à être corrigées. L'expérimentation animale suscite elle aussi un rejet total de la part de certaines organisations. Or, en l'état actuel, elle demeure globalement indispensable. Il est toutefois nécessaire de réduire le nombre d'animaux utilisés, de recourir à une méthode de substitution fiable lorsque c'est possible, et d'aménager le protocole de l'expérimentation proprement dite avec le souci de réduire le mal-être des animaux. A notre connaissance, c'est ce qui se fait. Bien d'autres secteurs où l'animal est présent - à la limite : tous- suscitent des positions extrêmes. Certes, il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que les militants ont joué un rôle positif en sensibilisant les utilisateurs d'animaux et l'opinion publique à l'éthique animale, mais les positions radicales ne peuvent être acceptées.
Un élément contribue à radicaliser ces positions : se focaliser sur le seul animal, sans tenir le moindre compte de l'environnement humain -expression volontairement très générale- dans lequel il est utilisé. Or, de fortes pressions s'exercent parfois, notamment en élevage, qui réduisent grandement les possibilités d'entreprendre des mesures correctrices. Il est facile de traiter, avec toujours une inévitable dose d'anthropomorphisme, de l'éthique de l'animal en élevage, il est beaucoup plus difficile de traiter de l'éthique de l'élevage.
Il est nécessaire de rappeler avec force quelques principes fondamentaux:
- il faut lutter sans relâche et sans compromission contre la véritable maltraitance des animaux sous toutes ses formes, y compris dans les abattoirs ;
- l'homme est biologiquement un omnivore, ce qui n'empêche personne de vivre en végétarien, voire en végétalien, mais le choix doit demeurer individuel ;
- l'homme est très dépendant, physiquement et psychologiquement de l'animal, alors que ce dernier peut se passer de l'homme. Imaginer une société où nous n'aurions pratiquement plus de droits sur les animaux est absurde et profondément anti-humaniste.
D'autres principes pourraient être rappelés, notamment l'universalité de la présence de la violence dans la nature et la fonction de prédateur de certaines espèces, dont l'homme fait partie.
Il reste à s'entendre sur la manière de tenir compte et de respecter ces divers principes. Est-ce un rêve d'imaginer qu'il soit possible un jour de réunir toutes les tendances de la protection animale, y compris les plus radicales, pour tenter de s'accorder sur une "juste mesure"?
Éthique des relations homme/animal
Collectif sous la coordination de Bernard Denis
Disponible en librairie et sur la Galerie verte
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