Faire cercle autour d'un poète disparu
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Jean Laude (1922-1983) est connu surtout comme africaniste et historien de l’art. Mais il était aussi poète, auteur d’une œuvre importante et trop méconnue, bien qu’elle lui ait valu la reconnaissance d’écrivains aussi marquants qu’Édouard Glissant ou Jacques Dupin. S’il est, comme beaucoup, passé brièvement par le surréalisme au lendemain de la seconde guerre mondiale, il s’en est vite détourné. Son quatrième recueil, Les Plages de Thulé, écrit entre 1949 et 1963 (Seuil, 1964) a été unanimement salué par la critique. Laude en avait préparé une édition définitive, parue en 2012 seulement à La Lettre volée. Son écriture, qui tend vers la prose se caractérise par le dépouillement d’une parole attentive à la réalité la plus simple, mais la plus insaisissable, aux confins du silence. Dans les années 1960-1970, Laude s’est rapproché des avant-gardes, collaborant à Tel Quel et à Change et s’orientant vers une poésie plus éclatée, dispersée dans l’espace de la page et centrée sur l’expérience de l’écriture, comme en témoignent les poèmes recueillis dans La Trame inhabitée de la lumière (Corti, 1989). Il s’en est éloigné à la fin de vie, se portant "à la rencontre de l’inconnu masqué" et renouant avec un lyrisme tragique qui culmine dans Le Dict de Cassandre (Fata Morgana, 1982). Sous le titre "Jean Laude, poète", la revue L'Étrangère réunit dans une livraison de 420 pages les actes d’une journée d’études, organisée par Michel Collot et Christine Dupouy, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète, mais aussi un important choix de textes de Jean Laude inédits ou devenus introuvables : poèmes, extraits du journal, écrits sur l’art, critique littéraire.