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Djamaâ Lihoud, le califat des pétards !

Daech, El Bouq, El Basla. Une odeur d’ambre, de poudre et de plastique brûlé empeste toute cette partie de la Basse-Casbah.
La rue Ali Amar est occupée de part et d’autre par les nombreux revendeurs de produits pyrotechniques. Une quarantaine de tables encombrent cette étroite rue, d’habitude occupée par le commerce de détail d’habillement et chaussures. Des fumigènes, des fusées, des pétards à grattoir sont aisément écoulés à deux jours de la fête. De 10 DA la bougie ou le pétard à mèche, les puissants et dangereux bouq, des «hard-migènes» bourrés d’une forte charge, sont vendus à 5000 DA l’unité.

Ces derniers jours, les revendeurs et leurs nombreux clients ont redoublé d’ingéniosité en donnant des noms plus actuels à des produits importés d’Extrême-Orient ou d’Inde pour l’ambre. «Daech» a ainsi remplacé le traditionnel «bombe» ou l’inoffensif «basla» (oignon), les jeunes voulant surtout coller à l’actualité chaude et faire du marketing à la petite semaine. Les marchands, très méfiants, parlent ici de mévente. «Ya kho, quoi vous dire ? Le pouvoir d’achat et la dévaluation du dinar ont fait fuir nos clients.

Des gens venaient de Tipasa, de Chlef, de Béjaïa et même de plus loin encore. Il n’y a plus de vrais clients, mais des enfants, leurs parents ou des revendeurs des quartiers de Belcourt ou de Bab Ezzouar, qui achètent des pétards à 10 DA et, pour les plus dépensiers, des fumigènes de 500 DA», signale Dahmane, casquette hip-hop vissée sur la tête et une écharpe aux couleurs de son club fétiche, le Mouloudia, autour du cou.

Cet avis n’est pas partagé par ses voisins, qui ont remarqué que le commerce, qui a résisté à une descente de la police vendredi dernier, est «prospère». «Une nouala (fumigène) nommée Daech s’écoule à un million de centimes. Il paraît qu’elle est introuvable. Un gars m’a demandé où il pouvait en trouver. Si des gens déboursent une telle somme c’est que la crise dont on nous parle est loin encore», estime Slimane, un septuagénaire de la rue du Lézard, à quelques pâtés d’immeubles de cet antre du produit pyrotechnique. Adossé au mur du café d’Orient, l’homme que nous avons rencontré en a vu de toutes les couleurs et craint pour son quartier.

«Ici, à La Casbah, il y a plein d’entrepôts fermés. C’est là que sont cachés ces produits sortis par conteneurs du port ou acheminés le soir à partir des frontières. Le danger est plus grand pour les résidants. Un accident peut vite arriver. En février 2011, un incendie a failli provoquer un drame. La police judiciaire de la rue de la Lyre (Bouzerina) est restée étrangement sans réaction», s’étonne-t-il, assurant que l’incendie de 2011 a été provoqué «exprès» par des jeunes, qui ont réalisé de gros profits.

Légaliser un commerce de 20 milliards de dinars !

Durant les jours précédant le Mawlid, cette partie du vieux quartier est transformée. Des magasins de prêt-à-porter ferment et leurs propriétaires proposent sur des étals de fortune des produits interdits d’importation et de commercialisation par une loi de 1963. Les saisies des services de sécurité n’ont pas asséché les réseaux. Selon El Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCAA, en cours de constitution), le commerce des produits pyrotechniques génère un profit colossal : 20 milliards de dinars.

«Notre estimation de l’année dernière fait ressortir que le profit généré par ce commerce est de 20 milliards. Un commerçant m’a assuré que les profits importants font que les gens continuent à prendre des risques. La marge bénéficiaire est de plus de 60%», précise Boulenouar. Le président de l’ANCAA dénonce l’absence de contrôle aux frontières et avance une proposition : légaliser ce commerce : «Il y a absence de contrôle aux ports et aux frontières.

Les dangers sont réels sur les clients. Nous avons proposé la légalisation du commerce à une condition : désigner une liste de produits susceptibles d’être commercialisés.» En attendant un écho des services du commerce, Boulenouar appelle au renforcement du contrôle et à la sensibilisation des consommateurs. Une page facebook est lancée : Pour un Mawlid sans pétard. Quelque 300 «amis» sont regroupés par la page nouvellement
créée. L’adhésion n’est pas assurée…

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