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Nikolaus Harnoncourt, chef d'orchestre de la comédie et de la tragédie humaine

Celui qui, à 86 ans demeurait par sa grâce et sa vitalité le plus jeune chef d'orchestre au monde, vient de nous quitter. Si le plus grand est celui qui ouvre de nouvelles voies et dont les pairs suivent la trace, Nikolaus Harnoncourt fut le plus grand chef d'orchestre de ces soixante dernières années.

Harnoncourt fut l'anti-Karajan par excellence. Contrairement à son aîné de 21 ans qui considérait la rondeur et la "beauté" du son comme valeurs absolues quel que soit le contexte ou le répertoire, Harnoncourt privilégiait la sémantique de l'œuvre et gardait les oreilles ouvertes à ce que le contexte musical lui dictait.

C'est ainsi qu'il nous a appris que parfois non seulement le son ne devait pas être beau, mais qu'en plus certaines notes devaient "sonner faux" ! Comme les trompettes d'époque dans certains passages de Bach ; pour Harnoncourt, dans l'air de la basse (no 7) de la cantate 43, le mot "Qual" ("tourment") est souligné d'un si♭3, justement parce que le compositeur cherchait une "mauvaise note": en tant que septième harmonique, elle va sonner faux. Et essayer d'interpréter ce passage avec un beau son et une intonation juste c'est ne rien transmettre de ce que l'œuvre véhicule.

Harnoncourt fut à la musique ce qu'Umberto Eco était à la littérature : un grand père adolescent qui nous prenait par la main pour nous faire découvrir le passé tout en étant lui-même, et de manière violente, le contraire d'un passéiste ! À propos de Monteverdi il écrivait:

Il serait parfaitement absurde d'apprendre à connaître et de comprendre cette musique avec un intérêt d'historiens de la musique ou de conservateurs de musée, de vouloir l'exécuter en tant que "musique ancienne". Nous sommes des musiciens contemporains, vivants, et non des archéologues. Monteverdi était un ennemi acharné de tout le passé, il ne comprenait pas que l'on ranime la "musique ancienne".


Harnoncourt fut le premier chef d'orchestre à théoriser la violence et le conflit chez Mozart, à une époque où sa musique était considérée comme celle d'un ange sans sexe, champion des bonnes manières:

Sa musique exprime la douleur la plus profonde et la joie la plus pure ; les conflits les plus durs, fréquemment sans offrir d'issue. Le langage musical de Mozart, à son époque, était rejeté par les esthètes conservateurs en raison de sa dureté.


Mais Harnoncourt fut aussi celui qui a exprimé le mieux ce Mozart sale-gosse, celui qui a composé tout un mouvement de concerto pour imiter le chant de Stahrl, son... canari:



Son opposition à Karajan fut évidemment artistique. Mais elle exprimait aussi une vision de la vie diamétralement opposée. Et c'est bien symptomatique du ô combien l'Europe a changé ces dernières années que d'observer aujourd'hui les deux formations les plus liées à Karajan par le passé, le Philharmonique de Berlin et celui de Vienne, tous deux autrefois englués dans un sérieux qui embellissait le tragique, un humour qui censurait le canaille: c'est la route de Harnoncourt qu'ils ont suivie, c'est avec lui qu'ils ont appris à rire, c'est lui qu'ils pleurent.

Lire aussi:

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