Depuis un an, personne n'arrive à se mettre d'accord sur la vente de glyphosate et le Roundup
ENVIRONNEMENT - L'avenir du glyphosate se décide ces lundi 7 et mardi 8 mars. L'exécutif européen doit décider de garder ou non le glyphosate sur la liste de l'UE des substances actives autorisées, condition préalable pour permettre aux 28 Etats membres de réévaluer l'autorisation des pesticides qui en contiennent sur leur territoire.
Depuis un an presque jour pour jour politiques, associations et scientifiques s'écharpent sur le dossier du glyphosate. Faut-il ou non l'interdire? Une question loin d'être évidente.
Dans l'air, l'eau, la nourriture... et les serviettes hygiéniques
Tout a commencé en mars 2015. L'agence du cancer de l'Organisation mondiale de la santé (Iarc) annonce classer cinq pesticides comme "cancérogènes probables ou possibles" pour l'homme. Dans le viseur de l'OMS, entre autres, l'herbicide glyphosate. Le glyphosate est notamment la substance active du Roundup, l'un des herbicides les plus vendus et produit par Monsanto.
Le glyphosate est l'herbicide dont la production est la plus importante en volume. Outre l'agriculture, où son usage a fortement augmenté, il est également utilisé dans les forêts et par les particuliers dans leurs jardins. Du glyphosate a été retrouvé dans l'air, dans l'eau et dans la nourriture, selon l'Iarc qui précise que la population générale est notamment exposée lorsqu'elle habite à côté de zones traitées. Les niveaux d'exposition observés sont toutefois "généralement bas", souligne l'Iarc. Dernier scandale en date, le glyphosate a même été retrouvé dans des boîtes de serviette bio de la marque Organyc.
Quelques jours après l'annonce de l'OMS, France nature environnement (FNE) et Générations futures réclament le retrait de la vente de l'herbicide Roundup. L'association demande "une réévaluation immédiate par l'Agence sanitaire européenne du glyphosate et un retrait tout aussi immédiat des produits vendus en France à base de cette substance active, présente notamment dans des produits destinés aux jardiniers amateurs". En effet, la classification du Circ n'a aucun caractère contraignant pour les Etats européens.
La Colombie ne s'y trompe pas. En mai 2015, son président Juan Manuel Santos ordonne l'arrêt des aspersions aériennes avec le glyphosate, deux semaines après que le ministère colombien de la Santé ait donné l'alerte.
Ségolène Royal vent debout contre le glyphosate
En France, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal s'engage très rapidement pour que le glyphosate "ne soit pas en vente libre" pour les particuliers. "Là où il faut agir très vite, c'est dans la vente de ces produits aux particuliers. Je souhaite que ces produits ne soient pas en vente libre". Cela signifie que la vente doit être accompagnée d'un conseil et non se faire à l'étalage. Quelques semaines plus tard, en juin, la ministre demande à ce que cette interdiction prenne effet dès le 1er janvier.
Cependant, malgré la volonté politique française, les avis demeurent contrastés sur la dangerosité du glyphosate. En décembre 2015, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) juge ainsi "improbable" le risque cancérigène du glyphosate, utilisé dans les pesticides, ce qui a pour effet de relancer l'affrontement entre industrie agrochimique et défenseurs de l'environnement.
Des avis partagés quant à sa dangerosité
Le glyphosate n'est ni génitoxique, c'est-à-dire susceptible d'endommager l'ADN, ni une menace cancérigène pour l'homme, conclut le rapport de l'EFSA. En conséquence, "les experts n'ont pas proposé que le glyphosate soit catégorisé comme cancérogène dans la réglementation de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques", rapporte l'Autorité. Cette étude était très attendue car elle devait éclairer Bruxelles dans son évaluation décennale de la substance.
La Glyphosate Task Force, qui regroupe les grands groupes de l'agro-industrie comme Monsanto, mais aussi son compatriote Dow Chemical ou encore le suisse Syngenta, s'est félicitée des conclusions des scientifiques européens. Elles confirment "les précédentes évaluations du glyphosate conduites par les autorités réglementaires du monde entier, qui ont conclu de façon constante que l'application du glyphosate ne pose aucun risque inacceptable pour la santé humaine, les animaux ou l'environnement", a observé Richard Garnett, président du collectif.
Surtout, autre motif de satisfaction pour M. Garnett, l'étude précise bien avoir pris en compte une précédente étude du Centre international pour le cancer (CIRC), une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'EFSA explique dans son rapport que cette divergence de résultat tient à la prise en compte "d'une vaste quantité d'éléments, y compris un certain nombre d'études non évaluées par le CIRC".
Les défenseurs de l'environnement ont immédiatement réagi en mettant en cause l'indépendance de l'EFSA, dont le groupe en charge du rapport était composé de scientifiques membres de l'autorité européenne et de représentants des organismes d'évaluation des risques de chacun des 28 Etats membres.
"Les assurances de sécurité sur le glyphosate émises par l'EFSA soulèvent de sérieuses questions sur son indépendance scientifique", a estimé Franziska Achterberg, chargée de la politique alimentaire dans l'UE chez Greenpeace. "Une bonne partie du rapport s'inspire directement d'études non publiées commandées par des producteurs de glyphosate. La preuve du préjudice est irréfutable mais l'EFSA défie l'agence sur le cancer (le CIRC) qui fait autorité dans le monde pour faire plaisir à des sociétés comme Monsanto", a-t-elle accusé.
Pour la vice-présidente du groupe Verts au Parlement européen Michèle Rivasi, l'avis de l'EFSA "va complètement à l'encontre de sa mission première: appliquer le principe de précaution". Dans ses conclusions, l'EFSA établit tout de même, pour la première fois, un seuil de sécurité toxicologique intitulé "dose aiguë de référence", qui est la quantité qui peut être ingérée sur une brève période sans être nocive pour la santé: elle a été fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel par jour.
Cette valeur servira de base pour la révision prévue en 2016 des limites maximales de concentration de la substance dans ou sur des aliments destinés à l'alimentation humaine ou animale.
Au vu de ces désaccords, difficile de savoir à coup sûr ce que la Commission européenne va décider. On sait toutefois qu'elle va proposer son renouvellement pour 15 ans, l'autorisation à la vente par l'Union européenne prenant fin en juin 2016. Quelle que soit sa décision, ce sont les Etats membres de l'UE qui sont responsables de l'autorisation finale accordée à un pesticide.
Depuis un an presque jour pour jour politiques, associations et scientifiques s'écharpent sur le dossier du glyphosate. Faut-il ou non l'interdire? Une question loin d'être évidente.
Dans l'air, l'eau, la nourriture... et les serviettes hygiéniques
Tout a commencé en mars 2015. L'agence du cancer de l'Organisation mondiale de la santé (Iarc) annonce classer cinq pesticides comme "cancérogènes probables ou possibles" pour l'homme. Dans le viseur de l'OMS, entre autres, l'herbicide glyphosate. Le glyphosate est notamment la substance active du Roundup, l'un des herbicides les plus vendus et produit par Monsanto.
Le glyphosate est l'herbicide dont la production est la plus importante en volume. Outre l'agriculture, où son usage a fortement augmenté, il est également utilisé dans les forêts et par les particuliers dans leurs jardins. Du glyphosate a été retrouvé dans l'air, dans l'eau et dans la nourriture, selon l'Iarc qui précise que la population générale est notamment exposée lorsqu'elle habite à côté de zones traitées. Les niveaux d'exposition observés sont toutefois "généralement bas", souligne l'Iarc. Dernier scandale en date, le glyphosate a même été retrouvé dans des boîtes de serviette bio de la marque Organyc.
Quelques jours après l'annonce de l'OMS, France nature environnement (FNE) et Générations futures réclament le retrait de la vente de l'herbicide Roundup. L'association demande "une réévaluation immédiate par l'Agence sanitaire européenne du glyphosate et un retrait tout aussi immédiat des produits vendus en France à base de cette substance active, présente notamment dans des produits destinés aux jardiniers amateurs". En effet, la classification du Circ n'a aucun caractère contraignant pour les Etats européens.
La Colombie ne s'y trompe pas. En mai 2015, son président Juan Manuel Santos ordonne l'arrêt des aspersions aériennes avec le glyphosate, deux semaines après que le ministère colombien de la Santé ait donné l'alerte.
Ségolène Royal vent debout contre le glyphosate
En France, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal s'engage très rapidement pour que le glyphosate "ne soit pas en vente libre" pour les particuliers. "Là où il faut agir très vite, c'est dans la vente de ces produits aux particuliers. Je souhaite que ces produits ne soient pas en vente libre". Cela signifie que la vente doit être accompagnée d'un conseil et non se faire à l'étalage. Quelques semaines plus tard, en juin, la ministre demande à ce que cette interdiction prenne effet dès le 1er janvier.
Cependant, malgré la volonté politique française, les avis demeurent contrastés sur la dangerosité du glyphosate. En décembre 2015, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) juge ainsi "improbable" le risque cancérigène du glyphosate, utilisé dans les pesticides, ce qui a pour effet de relancer l'affrontement entre industrie agrochimique et défenseurs de l'environnement.
Des avis partagés quant à sa dangerosité
Le glyphosate n'est ni génitoxique, c'est-à-dire susceptible d'endommager l'ADN, ni une menace cancérigène pour l'homme, conclut le rapport de l'EFSA. En conséquence, "les experts n'ont pas proposé que le glyphosate soit catégorisé comme cancérogène dans la réglementation de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques", rapporte l'Autorité. Cette étude était très attendue car elle devait éclairer Bruxelles dans son évaluation décennale de la substance.
La Glyphosate Task Force, qui regroupe les grands groupes de l'agro-industrie comme Monsanto, mais aussi son compatriote Dow Chemical ou encore le suisse Syngenta, s'est félicitée des conclusions des scientifiques européens. Elles confirment "les précédentes évaluations du glyphosate conduites par les autorités réglementaires du monde entier, qui ont conclu de façon constante que l'application du glyphosate ne pose aucun risque inacceptable pour la santé humaine, les animaux ou l'environnement", a observé Richard Garnett, président du collectif.
Surtout, autre motif de satisfaction pour M. Garnett, l'étude précise bien avoir pris en compte une précédente étude du Centre international pour le cancer (CIRC), une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'EFSA explique dans son rapport que cette divergence de résultat tient à la prise en compte "d'une vaste quantité d'éléments, y compris un certain nombre d'études non évaluées par le CIRC".
Les défenseurs de l'environnement ont immédiatement réagi en mettant en cause l'indépendance de l'EFSA, dont le groupe en charge du rapport était composé de scientifiques membres de l'autorité européenne et de représentants des organismes d'évaluation des risques de chacun des 28 Etats membres.
"Les assurances de sécurité sur le glyphosate émises par l'EFSA soulèvent de sérieuses questions sur son indépendance scientifique", a estimé Franziska Achterberg, chargée de la politique alimentaire dans l'UE chez Greenpeace. "Une bonne partie du rapport s'inspire directement d'études non publiées commandées par des producteurs de glyphosate. La preuve du préjudice est irréfutable mais l'EFSA défie l'agence sur le cancer (le CIRC) qui fait autorité dans le monde pour faire plaisir à des sociétés comme Monsanto", a-t-elle accusé.
Pour la vice-présidente du groupe Verts au Parlement européen Michèle Rivasi, l'avis de l'EFSA "va complètement à l'encontre de sa mission première: appliquer le principe de précaution". Dans ses conclusions, l'EFSA établit tout de même, pour la première fois, un seuil de sécurité toxicologique intitulé "dose aiguë de référence", qui est la quantité qui peut être ingérée sur une brève période sans être nocive pour la santé: elle a été fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel par jour.
Cette valeur servira de base pour la révision prévue en 2016 des limites maximales de concentration de la substance dans ou sur des aliments destinés à l'alimentation humaine ou animale.
Au vu de ces désaccords, difficile de savoir à coup sûr ce que la Commission européenne va décider. On sait toutefois qu'elle va proposer son renouvellement pour 15 ans, l'autorisation à la vente par l'Union européenne prenant fin en juin 2016. Quelle que soit sa décision, ce sont les Etats membres de l'UE qui sont responsables de l'autorisation finale accordée à un pesticide.
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