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Un an après les Rohingyas, quelles leçons peut tirer l'Europe en pleine crise des réfugiés?

L'Europe a un devoir d'exemplarité en matière de respect du droit international et des droits de l'homme. Cependant, certaines des mesures prises par les états européens en vue d'endiguer la récente vague de déplacement, ainsi que les divisions affichées sur la question migratoire, ont fait perdre de sa crédibilité au vieux continent.

Par contraste, les pratiques d'autres états en matière de gestion des migrations donnent désormais moins facilement prise aux critiques. Les Européens n'ont plus de leçons à donner en la matière; ils pourraient même s'inspirer de la façon dont les états d'Asie du sud-est ont répondu à la crise des réfugiés qui a affecté la région du golfe du Bengale et de la mer d'Andaman il y a tout juste une année.

Pour rappel, la crise en Asie du sud-est avait commencé avec la découverte de fosses communes en Thaïlande, suivie d'une vague d'arrestation de personnes en lien avec le trafic ou la traite de migrants dans la région. Pris de panique, les équipages ont quitté les navires, abandonnant leurs passagers -un mélange de Bangladais et de Rohingyas de Birmanie, considérés comme des réfugiés en raison de la persécution et de la discrimination dont ils font l'objet dans leur pays- au milieu de la mer. Les récits des premières personnes à poser le pied sur la terre ferme faisaient état de conditions inhumaines: exposition au soleil, à la faim et à la soif; actes de violence, y compris viols et meurtres.

La crise s'était aggravée lorsqu'il est apparu que certains pays avaient intercepté et renvoyé en mer des bateaux, donnant lieu à une importante vague de critiques. Celles-ci étaient d'autant plus fortes que la plupart des pays concernés ne sont pas parties prenantes de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et qu'ils sont régulièrement accusés de violations des droits de l'homme, a fortiori lorsqu'il s'agit de migrants irréguliers. La capacité de l'Association des Nations d'Asie du sud-est (ASEAN) à agir de manière collective avait été mise en doute par de nombreux observateurs en raison du principe de non-ingérence dans les affaires internes des autres états.

Un partage de responsabilité au sein de l'ASEAN

Sans être exemplaire en tout point, la réponse des états d'Asie du sud-est contraste avec celle des états européens. Certes, seules 5000 personnes avaient débarqué en Asie du sud-est au mois de mai 2015; un nombre dérisoire comparé à l'afflux de migrants et de réfugiés en Europe, mais qui ne représentait que la pointe de l'iceberg. Près de 25.000 personnes étaient arrivées en Thaïlande et en Malaisie durant le premier trimestre de 2015, pour plus de 130.000 qui auraient effectué la traversée entre 2012 et 2014. Elles étaient venues s'ajouter aux dizaines de milliers d'autres réfugiés, dont une majorité originaires de Birmanie, vivant dans ces deux pays, certains depuis plusieurs dizaines d'années. Si l'on est loin de la proportion des réfugiés syriens vivant au Liban, en Jordanie ou en Turquie, cela représente néanmoins une responsabilité considérable. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rappelle à cet égard que 86% des réfugiés dans le monde se trouveraient dans des pays en voie de développement.

Quelque dix jours après le début de la crise, la Thaïlande, la Malaisie et l'Indonésie s'engageaient à intensifier les opérations de recherche et de sauvetage en mer alors que l'Indonésie et la Malaisie acceptaient d'offrir un abri temporaire aux personnes secourues en mer, à condition qu'elles soient réinstallées dans un délai d'une année. La Thaïlande s'engageait à ne plus renvoyer de navires et à faciliter le transfert des personnes secourues vers les autres pays. Les Philippines proposaient d'héberger des centres de transit. Ce système de partage de responsabilité au sein de l'ASEAN s'inspire largement de la réponse des mêmes états lors de la crise des boat people vietnamiens dans les années 70 et 80. La feuille de route adoptée le 29 mai 2015 lors d'une conférence à Bangkok, en présence de la Birmanie et du Bangladesh, prévoyait également des mesures visant à répondre dans ces deux pays aux causes profondes de ces mouvements, rappelant ainsi le caractère essentiellement palliatif des mécanismes de protection des réfugiés.

Où en est-on une année après ces événements?

Depuis mai 2015, plus de 2500 Bangladais ont déjà été renvoyés dans leur pays, une mesure jugée essentielle pour sauvegarder la crédibilité du système d'asile. Le principal problème concerne en fait les Rohingyas pour qui une autre solution doit être trouvée. La réinstallation n'est pas une option: le nombre de places disponibles à l'échelle globale est limité; l'Australie s'est désistée et l'UE peine à organiser la répartition de ses réfugiés syriens. Seuls les Etats-Unis, avant de faire marche arrière de peur de créer un appel d'air, ainsi que la Gambie, avaient déclaré être prêts à accueillir des Rohingyas. Beaucoup parmi ceux qui avaient débarqué en Indonésie ou en Thaïlande ont en fait quitté ces deux pays pour retourner vers la Malaisie, où ils auront rejoint la large communauté des Rohingyas -plus de 150.000 selon certaines estimations- vivant dans le pays et dont la présence est tolérée. Pour ceux qui ne peuvent être retournés en Birmanie, le HCR espère obtenir des arrangements leur permettant d'avoir accès au marché du travail de manière temporaire, en attendant une amélioration des conditions dans leur pays d'origine qui justifierait leur retour.

Contre toute attente, la crise en Asie du sud-est aura même conduit à réaffirmer l'importance d'une approche qui respecte les droits et la dignité des personnes déplacées. En mars dernier, le Processus de Bali, principal forum de dialogue sur les migrations dans la région, adoptait une Déclaration -la première en 14 ans d'activité- par laquelle les pays réaffirment leurs engagements à respecter leurs obligations internationales et à assurer assistance et protection aux migrants et réfugiés. Le HCR a salué cette initiative, alors que dans le même temps l'organisation prenait ses distances avec les mesures annoncées par l'UE pour prévenir l'afflux de nouveaux réfugiés sur son territoire.

En Europe, dans le contexte actuel, une déclaration rappelant l'importance de garantir les droits de tous et réaffirmant le socle de valeurs sur lesquels l'Europe prétend être bâtie se fait toujours attendre. Au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans la crise, le vieux continent a considérablement perdu de sa capacité à influencer les autres pays à travers son exemplarité (soft power). Plutôt qu'un modèle, l'Europe est ainsi devenue un repoussoir.

Quelles perspectives? Un geste fort attendu d'Aung San Suu Kyi

Alors que les observateurs prévoyaient une recrudescence des mouvements durant la saison sèche, qui touche à sa fin, seuls quelques milliers de personnes auraient tenté la traversée. La négociation d'un accord entre la Malaisie et le Bangladesh concernant l'emploi de centaines de milliers de travailleurs bangladais explique en partie cette accalmie. La période actuelle semble aussi être une période de wait and see pour ceux qui organisent ces mouvements, qui doivent forger de nouveaux réseaux, ouvrir de nouvelles routes, prendre plus de risques aussi. Une autre explication tiendrait aux résultats des élections du mois de novembre 2015 en Birmanie qui ont poussé au pouvoir la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). L'arrivée au pouvoir de Aung San Suu Kyi, aurait suscité des espoirs du côté des Rohingyas, qui espèrent une reconnaissance de leur statut et une amélioration de leur situation.

Critiquée pour son silence ces dernières années, la dame de Rangoon se doit de trouver une solution à une situation qui continue de faire honte à un pays avide de réhabiliter son image. Sans geste politique fort dans ce sens, les mouvements reprendront de plus belle dès la prochaine saison sèche. Les personnes qui n'ont d'autres perspectives que celles de vivre dans une société où elles sont discriminées et marginalisées sont prêtes à prendre tous les risques pour améliorer leur situation et offrir un avenir à leurs enfants; y compris mettre leur vie dans les mains de trafiquants peu scrupuleux, en toute connaissance de cause quant aux risques encourus. Répondre aux causes profondes des mouvements est la seule vraie façon d'y mettre un terme; c'est aussi, malheureusement, la tâche la plus difficile et la plus longue, comme les négociations actuelles sur la Syrie le démontrent, et celle pour laquelle la communauté internationale est la moins bien armée.

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