A l'Unesco, la France s'est tirée une balle dans le pied
Un mois de critiques, pétition sur internet, courriers officiels, pressions discrètes ou tonitruantes, questions au gouvernement, auront fini par contraindre la diplomatie française à réviser sa copie. C'est dans ce contexte qu'a lieu, ce 3 juin, la Conférence de Paris sur le Proche-Orient, destinée à relancer les négociations entre Israéliens et Palestiniens.
Depuis le 1er juin, la France préside le Conseil de sécurité de l'Onu. C'est dans ce contexte qu'elle a pris l'initiative de relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Intention louable et nécessaire d'autant que les Etats-Unis, habituellement leader en la matière, sont aux abonnés absents en cette fin de mandat de Barak Obama. Et pourtant, malgré son ambition, la France a voté en avril une résolution de l'Unesco, qui a, au bas mot, compliqué la tache de la diplomatie française.
Le 15 avril dernier donc, la France vote au Conseil exécutif de l'Unesco une résolution, en grande partie, consacrée à la Mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif, couramment dénommée l'Esplanade des mosquées. Ce lieu, considéré comme le troisième lieu saint de l'Islam, est aussi le premier lieu saint du judaïsme. Or, le texte voté ignore totalement la dimension juive du lieu et apparaît comme un déni historique. Sur les 56 Etats membres présents lors de ce Conseil exécutif, il y a eu 33 votes favorables dont les 22 pays arabes ainsi que l'Espagne, la Suède, la Russie, la Chine... et la France. Il y a eu, par ailleurs, 17 abstentions et 6 votes contre, dont les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment.
Un mois plus tard, presque jour pour jour, le 17 mai, François Hollande, invité d'Europe 1, annonce qu'il "y aura une nouvelle résolution au mois d'octobre », le texte actuel comprenant « un amendement fâcheux". Un amendement ? Cette résolution consacrée à la Palestine occupée comprend 40 articles dont 17 portent sur La mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif. Un long texte donc, où le terme « Mont du Temple », utilisé par les juifs pour désigner ce lieu, n'est jamais mentionné. Or, si Jérusalem est un enjeu politico-religieux majeur depuis près d'un siècle - en 1920, une émeute Arabe contre les juifs fait 4 morts dans la ville - c'est justement parce que ce lieu est un symbole fondamental pour les juifs et les musulmans.
La myopie historique de l'Unesco surprend d'autant plus que cette organisation internationale est, en principe, dédiée à la promotion de l'éducation, de la science, et de la culture. Le 20 novembre 1946, le Président de la Première conférence de l'Unesco, ne déclarait-il pas : "Vous restez étrangers à tous les conflits politiques qui peuvent partager les nations." L'orateur, Léon Blum, doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que les décisions de l'Unesco engendrent une polémique sur fond de conflit israélo-arabe. Ainsi, en 2011, l'Unesco est la première institution des Nations Unies qui accepte la Palestine comme Etat membre - la Cour pénale internationale lui a emboîté le pas en 2015. En janvier 2014, l'Unesco annule l'exposition Les gens, le Livre, la Terre: la relation de 3500 ans du peuple juif avec la Terre sainte à la demande des pays arabes avant de la reprogrammer six mois plus tard, également sous pression.
Et en France, qui a décidé de voter ce texte ? Ce n'est ni le nouvel ambassadeur auprès de l'Unesco, Laurent Stefanini, qui n'a pris ses fonctions que le 25 avril ni son prédécesseur, Philippe Lalliot déjà parti aux Pays-Bas. C'est donc la chargée d'affaires, Isabelle Marques-Gross, qui a voté. Mais, ce n'est pas son initiative. Un ambassadeur et a fortiori un chargé d'affaires exécute les décisions prises par son ministère. "Selon toute vraisemblance, la décision a été prise en concertation entre la Direction des Nations Unies et des Organisations internationales et la Direction d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, remarque un diplomate français averti. Il est peu probable que ce soit une décision politique prise au niveau du ministre et encore moins au niveau du Premier ministre ou du Président de la République."
Pourquoi la France a voté ainsi ? Apparemment, par habitude. "Un texte de même tonalité avait déjà été voté par la France par le passé, souligne une autre source diplomatique française bien informée. La ligne a été maintenue alors que le contexte avait changé. Peut-être aurait-il fallu réévaluer notre position au regard de la conférence de la paix qui se profilait. C'est un texte politique très dur à l'égard des Israéliens - et non spirituel - qui exprime l'exaspération des Palestiniens face aux difficultés d'accès à leur lieu saint. Mais, ce vote a été instrumentalisé par ceux qui ne voulaient pas de cette Conférence", souligne le diplomate pour relativiser. Comprenez les Israéliens. Sans doute. Mais fallait-il leur donner des bâtons pour se faire battre ?
Il reste que les Israéliens ont été surpris par le vote de la France. "Ce texte est particulièrement grave. Il y a eu d'autres textes problématiques par le passé mais ils l'étaient tout de même moins et surtout la France s'était alors abstenue", souligne une source israélienne. En diplomatie, chaque virgule compte. En outre, les Israéliens et les juifs ne sont pas les seuls à s'être insurgés contre ce vote. Nombres de chrétiens l'ont fait aussi. Le 10 mai, le député Claude Goasguen déclare à l'Assemblée nationale : "La France s'est déshonorée en participant à une opération de négationnisme culturel, qui n'implique pas seulement Israël mais l'ensemble de l'humanité !". Dans un communiqué, publié dès le 26 avril, la présidente de l'Amitié Judéo-chrétienne de France, Jacqueline Cuche, a "réaffirmé avec force le lien du peuple juif avec le Mont du Temple et Jérusalem, un lien qui depuis 2000 ans, à cause du Juif Jésus, concerne également les chrétiens, comme l'attestent on ne peut plus clairement leurs Écritures". Et surtout, Monseigneur André Vingt-Trois, archevêque de Paris, dans un courrier adressé le 18 mai au Président du CRIF, a fait part de son « incompréhension » et de sa « tristesse face à de telles déclarations qui oblitèrent totalement les lieux et les noms des Lieux Saints Juifs à Jérusalem. ( ...) Une telle déclaration ne peut en rien contribuer à faire progresser la paix. »
Un religieux chrétien installé en Israël depuis longtemps et familier des cercles diplomatiques français, précise : "Que la France lutte contre la volonté de judaïsation de certains quartiers arabes de Jérusalem c'est normal, mais qu'elle vote pour ce texte, qui est une pure négation de l'histoire, c'est aberrant. Pour en arriver là, il faut vraiment que le lobby pro-Palestinien au Quai d'Orsay soit très puissant. Le résultat, c'est que notre diplomatie est totalement discréditée." En effet, loin d'aider les Palestiniens, cette résolution risque bien d'avoir torpillé dans l'oeuf l'initiative française de Conférence sur la paix qui, déjà, n'inspirait guère le gouvernement israélien. Sans compter qu'aujourd'hui, la France doit aussi expliquer aux Palestiniens pourquoi elle fait marche arrière toute sur cette résolution de l'Unesco, initialement destinée à défendre les Palestiniens et eux seuls.
Depuis le 1er juin, la France préside le Conseil de sécurité de l'Onu. C'est dans ce contexte qu'elle a pris l'initiative de relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Intention louable et nécessaire d'autant que les Etats-Unis, habituellement leader en la matière, sont aux abonnés absents en cette fin de mandat de Barak Obama. Et pourtant, malgré son ambition, la France a voté en avril une résolution de l'Unesco, qui a, au bas mot, compliqué la tache de la diplomatie française.
Le 15 avril dernier donc, la France vote au Conseil exécutif de l'Unesco une résolution, en grande partie, consacrée à la Mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif, couramment dénommée l'Esplanade des mosquées. Ce lieu, considéré comme le troisième lieu saint de l'Islam, est aussi le premier lieu saint du judaïsme. Or, le texte voté ignore totalement la dimension juive du lieu et apparaît comme un déni historique. Sur les 56 Etats membres présents lors de ce Conseil exécutif, il y a eu 33 votes favorables dont les 22 pays arabes ainsi que l'Espagne, la Suède, la Russie, la Chine... et la France. Il y a eu, par ailleurs, 17 abstentions et 6 votes contre, dont les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment.
Un mois plus tard, presque jour pour jour, le 17 mai, François Hollande, invité d'Europe 1, annonce qu'il "y aura une nouvelle résolution au mois d'octobre », le texte actuel comprenant « un amendement fâcheux". Un amendement ? Cette résolution consacrée à la Palestine occupée comprend 40 articles dont 17 portent sur La mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif. Un long texte donc, où le terme « Mont du Temple », utilisé par les juifs pour désigner ce lieu, n'est jamais mentionné. Or, si Jérusalem est un enjeu politico-religieux majeur depuis près d'un siècle - en 1920, une émeute Arabe contre les juifs fait 4 morts dans la ville - c'est justement parce que ce lieu est un symbole fondamental pour les juifs et les musulmans.
La myopie historique de l'Unesco surprend d'autant plus que cette organisation internationale est, en principe, dédiée à la promotion de l'éducation, de la science, et de la culture. Le 20 novembre 1946, le Président de la Première conférence de l'Unesco, ne déclarait-il pas : "Vous restez étrangers à tous les conflits politiques qui peuvent partager les nations." L'orateur, Léon Blum, doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que les décisions de l'Unesco engendrent une polémique sur fond de conflit israélo-arabe. Ainsi, en 2011, l'Unesco est la première institution des Nations Unies qui accepte la Palestine comme Etat membre - la Cour pénale internationale lui a emboîté le pas en 2015. En janvier 2014, l'Unesco annule l'exposition Les gens, le Livre, la Terre: la relation de 3500 ans du peuple juif avec la Terre sainte à la demande des pays arabes avant de la reprogrammer six mois plus tard, également sous pression.
Et en France, qui a décidé de voter ce texte ? Ce n'est ni le nouvel ambassadeur auprès de l'Unesco, Laurent Stefanini, qui n'a pris ses fonctions que le 25 avril ni son prédécesseur, Philippe Lalliot déjà parti aux Pays-Bas. C'est donc la chargée d'affaires, Isabelle Marques-Gross, qui a voté. Mais, ce n'est pas son initiative. Un ambassadeur et a fortiori un chargé d'affaires exécute les décisions prises par son ministère. "Selon toute vraisemblance, la décision a été prise en concertation entre la Direction des Nations Unies et des Organisations internationales et la Direction d'Afrique du nord et du Moyen-Orient, remarque un diplomate français averti. Il est peu probable que ce soit une décision politique prise au niveau du ministre et encore moins au niveau du Premier ministre ou du Président de la République."
Pourquoi la France a voté ainsi ? Apparemment, par habitude. "Un texte de même tonalité avait déjà été voté par la France par le passé, souligne une autre source diplomatique française bien informée. La ligne a été maintenue alors que le contexte avait changé. Peut-être aurait-il fallu réévaluer notre position au regard de la conférence de la paix qui se profilait. C'est un texte politique très dur à l'égard des Israéliens - et non spirituel - qui exprime l'exaspération des Palestiniens face aux difficultés d'accès à leur lieu saint. Mais, ce vote a été instrumentalisé par ceux qui ne voulaient pas de cette Conférence", souligne le diplomate pour relativiser. Comprenez les Israéliens. Sans doute. Mais fallait-il leur donner des bâtons pour se faire battre ?
Il reste que les Israéliens ont été surpris par le vote de la France. "Ce texte est particulièrement grave. Il y a eu d'autres textes problématiques par le passé mais ils l'étaient tout de même moins et surtout la France s'était alors abstenue", souligne une source israélienne. En diplomatie, chaque virgule compte. En outre, les Israéliens et les juifs ne sont pas les seuls à s'être insurgés contre ce vote. Nombres de chrétiens l'ont fait aussi. Le 10 mai, le député Claude Goasguen déclare à l'Assemblée nationale : "La France s'est déshonorée en participant à une opération de négationnisme culturel, qui n'implique pas seulement Israël mais l'ensemble de l'humanité !". Dans un communiqué, publié dès le 26 avril, la présidente de l'Amitié Judéo-chrétienne de France, Jacqueline Cuche, a "réaffirmé avec force le lien du peuple juif avec le Mont du Temple et Jérusalem, un lien qui depuis 2000 ans, à cause du Juif Jésus, concerne également les chrétiens, comme l'attestent on ne peut plus clairement leurs Écritures". Et surtout, Monseigneur André Vingt-Trois, archevêque de Paris, dans un courrier adressé le 18 mai au Président du CRIF, a fait part de son « incompréhension » et de sa « tristesse face à de telles déclarations qui oblitèrent totalement les lieux et les noms des Lieux Saints Juifs à Jérusalem. ( ...) Une telle déclaration ne peut en rien contribuer à faire progresser la paix. »
Un religieux chrétien installé en Israël depuis longtemps et familier des cercles diplomatiques français, précise : "Que la France lutte contre la volonté de judaïsation de certains quartiers arabes de Jérusalem c'est normal, mais qu'elle vote pour ce texte, qui est une pure négation de l'histoire, c'est aberrant. Pour en arriver là, il faut vraiment que le lobby pro-Palestinien au Quai d'Orsay soit très puissant. Le résultat, c'est que notre diplomatie est totalement discréditée." En effet, loin d'aider les Palestiniens, cette résolution risque bien d'avoir torpillé dans l'oeuf l'initiative française de Conférence sur la paix qui, déjà, n'inspirait guère le gouvernement israélien. Sans compter qu'aujourd'hui, la France doit aussi expliquer aux Palestiniens pourquoi elle fait marche arrière toute sur cette résolution de l'Unesco, initialement destinée à défendre les Palestiniens et eux seuls.
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