Les limites de l’endettement de l’Algérie
Le FMI a fixé à l’Algérie ses limites d’endettement pour les cinq prochaines années. Pour les dépenses publiques, le seuil tolérable a été fixé à 17 milliards de dollars à fin 2020, soit une moyenne de 3 milliards par an maximum.
Accusé d’avoir eu la main légère pendant les années du pétrole cher, le gouvernement entérine le retour à l’endettement extérieur ; une solution de facilité en l’absence d’une vision claire susceptible de se substituer à la mauvaise gouvernance qui a marqué les mœurs économiques des quinze dernières années. La crispation est montée d’un cran au sein de l’Exécutif, mettant désormais clairement le cap vers les créanciers étrangers.
La tripartite de dimanche dernier a validé l’option d’«un nouveau mode de financement de l’économie, conférant une place importante aux ressources du marché, aux épargnes disponibles et aux financements extérieurs préférentiels». Ainsi, l’endettement extérieur est clairement mis en avant pour répondre aux besoins de trésorerie mise en difficulté par le tarissement des ressources, la fonte des réserves de change, produit de la vente des hydrocarbures, congelé dans les banques souveraines depuis maintenant plusieurs années. La tripartie ouvre ainsi la voie au retour des créanciers, près d’une décennie après le règlement de la dette.
Une opération menée dans la douleur, de l’avis même de l’ex-ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, qui aura coûté tout compte fait près de 40 milliards de dollars, intérêts compris. En clair, l’objectif de l’Exécutif est de remédier à l’amenuisement des ressources, faire face au déficit du Trésor et s’offrir, par la même, une source de couverture des dépenses. Côté créanciers, il est difficile de croire qu’ils seraient déjà dans les starting-blocks à attendre le signal du gouvernement algérien pour investir dans les déficits.
Pour un pays dont les 136 milliards de dollars de réserves de change représentent l’unique indicateur de solvabilité, les prêts ne sont possibles que dans le respect de conditions rigoureuses. Encore faut-il que le gouvernement réussisse à endiguer la fonte des réserves de change pendant qu’il négocie les prêts avec les créanciers. Ce ne sera donc pas une partie de plaisir. Le FMI a donné le la dans son dernier rapport sur l’Algérie. Le Fonds a fixé à l’Algérie ses limites d’endettement pour les cinq prochaines années.
Pour les dépenses publiques, le seuil tolérable a été fixé à 17 milliards de dollars à fin 2020, soit une moyenne de 3 milliards par an maximum (lire les détails dans l’interview de Ferhat Aït Ali). Assurément, la limite a été fixée en fonction de la solvabilité du pays. Badredine Nouioua, ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, fait constater que les parties prêteuses ne peuvent pas être que le marché financier et le FMI : «Il s’agit de privilégier les institutions multilatérales dans les capitaux desquelles nous avons une contribution ainsi que les crédits gouvernementaux d’Etat à Etat (crédits fournisseurs et crédits acheteurs).»
Les prêts du marché financier se feront à des conditions onéreuses, eu égard à la situation dans laquelle se débat le pays, estime Badredine Nouioua, contacté par El Watan. Les prêts du marché oui, mais il aurait fallu y penser dans le passé pour protéger les réserves de change. Les conditions étaient meilleures, selon l’ex-gouverneur de la Banque centrale. Sur sa lancée, il juge «scandaleux» qu’un pays comme la Chine, bénéficiant d’importantes parts du commerce extérieur du pays, se hissant au rang de premier fournisseur, ne contribue pas à l’investissement direct.
M. Nouioua redoute que les dérives du passé soient rééditées si un texte de loi encadrant le recours aux crédits extérieurs n’est pas produit au préalable. Il pose le problème de l’absence de politique claire et bien définie tant au niveau de la gouvernance de l’économie qu’au niveau des choix de son financement. Si l’endettement extérieur paraît pour le moins inévitable à l’allure où vont les choses, il serait insuffisant à lui seul pour parer au tarissement des ressources financières. D’où l’impératif d’une stratégie claire, capable de mobiliser des ressources palliatives, outre les financements extérieurs.