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Vidéos de L214 : il est urgent de légaliser l'abattage à la ferme

Je n'ai pas regardé la nouvelle vidéo diffusée par l'association L214 et je ne la regarderai pas. Comme vous, comme nous tous, je me suis infligé le spectacle terrifiant des précédentes. La mort n'est pas, ne peut pas et ne doit pas être un spectacle. Je n'ai donc pas besoin de voir plus de sang pour comprendre qu'il y a urgence à agir. Mais dans quel sens?

Une fois de plus, c'est vers le végétarisme, en fait vers le véganisme, que l'on nous oriente. Une fois de plus, on nous dit qu'il ne peut pas y avoir de viande heureuse. Non, il ne peut pas y avoir de viande heureuse. Un animal n'est pas un objet et les animaux ne veulent pas mourir. Ils sont sans doute incapables d'envisager cette question en ces termes, et c'est verser dans l'anthropomorphisme que de le faire, mais les animaux veulent vivre, qu'ils soient domestiqués ou sauvages. La science reconnaît ceux que nous mangeons comme des êtres conscients, c'est-à-dire doués de volonté. Il suffit de regarder un veau, une vache, un cochon ou même une poule pour s'en convaincre, ça vit là-dedans. Mettre à mort ces bêtes qui nous sont si semblables n'a rien d'évident. Est-ce d'ailleurs un hasard s'il fut nécessaire aux hommes de s'en remettre à une autorité morale supérieure, en un mot Dieu, pour sacrifier des bêtes avec lesquelles ils s'étaient habitués à vivre ? Consubstantielle à l'apparition de l'élevage, l'émergence des cosmogonies et des divinités a eu pour rôle d'expliquer le monde et de nous permettre de vivre avec. Sans la domestication laitière, et le rapprochement qui s'en suit, nous dit le zooanthropologue François Poplin, pas de Dieu, et sans lui, pas de sacré dans la mise à mort, seulement du meurtre.

Ce que nos ancêtes savaient et que nous avons oubliés, c'est que les animaux et leur produit ont de la valeur, une valeur inestimable. La vie ne nous offre qu'une chance et elle n'est pas plus généreuse avec les bêtes. Hommes et animaux, nous nous trouvons pourtant dans un rapport asymétrique à la vie et à la mort. Nous entretenons notre espèce quand les espèces domestiquées dépendent de l'homme. On peut libérer des esclaves, bien plus difficilement des animaux. Arrêter de les manger reviendrait au moins à en réduire drastiquement le nombre, sinon à les éradiquer et, à moins de déprédatiser l'ensemble du vivant (bonne chance), on voit mal en quoi la "libération" de ces derniers améliorera le sort des animaux sauvages. Est-ce donc, d'un point de vue moral, la décision qu'il faut prendre ? Seule l'histoire pourra en juger.

Ce que je sais en revanche, et dont je me sens libre de parler, c'est que j'ai voulu ne plus manger de viande puis, dans un soucis de cohérence morale, à peu près tous les produits d'origine animale. J'ai essayé de ne plus boire de lait, de ne plus manger de fromage et de me passer d'oeufs. C'était difficile mais pas impossible. Je me suis ouvert à de nouvelles saveur, j'ai en quelque sorte appris à manger et à cuisiner. Mais si les premiers mois furent enrichissant, les suivants furent un cauchemar. Perte de masse musculaire, douleurs dorsales, dépression, apathie, si certains semblent très bien s'accommoder de cette alimentation les témoignages d'anciens végétaliens abondent : nous ne sommes pas tous capables de vivre correctement en ne nous nourrissant que de végétaux. Ceux qui prétendent le contraire sont au mieux des menteurs sinon des charlatans. Par acquis de conscience, j'ai voulu retenter cette expérience végétalienne, cette fois en prenant toutes les précautions nécessaires, prises de sang régulières, meilleure association des aliments, d'avantage de suppléments alimentaires, mais je ne suis jamais parvenu à m'y résoudre ; mon corps refuse. C'est pourquoi je récuse toute volonté politique de décider de ce que j'aurai le droit de manger ou non : j'ai besoin des produits animaux et, faute d'alternative crédible, je continuerai d'en manger.

Cette nécessité biologique n'élude pas le problème soulevé plus haut. Quelle viande et quels produits animaux manger ? Je ne peux manger de la viande sans une forme de déni. À ce jour, il n'y a aucun, aucun moyen de savoir si l'animal consommé a été abattu dans de bonnes conditions. Quelles seraient-elles ? L'étourdissement, cela paraît évident. Le temps de transport ensuite, qui devrait être le plus moins long possible et, dans l'idéal, nul. Enfin, et c'est la moindre des choses, le respect de l'intégrité physique de l'animal en dehors du geste de mise à mort lui-même. Mais tant que les abattoirs auront des murs nous ne pourrons jamais avoir la certitude de manger la viande d'un animal abattu sans la violence ni le stress qui devraient lui être épargnés. Alors que nos députés planchent en ce moment même sur la question, deux solutions s'imposent : la vidéosurveillance, autrement dit le flicage des employés, ou l'abattage à la ferme, objet d'une véritable demande sociale formulée d'abord par les éleveurs. Pour nombre d'entre eux comme pour nous, la mise à mort d'une bête n'a rien d'évident. Si c'est l'aboutissement de leur travail, c'est aussi un chagrin, une peine que de voir un animal partir, une douleur encore plus grande que de le savoir maltraité. Les vrais éleveurs ne sont pas des bourreaux, ils donnent autant la mort que la vie. À la question : comment faire pour éviter de nouvelles vidéos, de nouvelles révélations, de nouveaux scandales, la réponse est évidente : autoriser les éleveur à être présent lors de l'abattage, ce qui leur est aujourd'hui interdit. Comment un éleveur pourrait-il demeurer insensible devant une bête qui se ferait maltraiter ? Comme le consommateur, il veut que cela se passe vite et bien et que l'animal ne se rende compte de rien. Bref, quand l'éleveur est présent, tout est différent.

Aujourd'hui, seuls les murs des abattoirs nous séparent de cette volonté partagée. Ils doivent tomber. D'une certaine manière, ils le sont déjà avec ces vidéos. Ils le sont aussi en Suède ou un camion d'abattage bénéficie d'une dérogation pour abattre directement à la ferme, en présence de l'éleveur. C'est aussi le cas en Autriche ainsi qu'en Allemagne. À cette demande sociale, on rétorque : et les normes ! et l'hygiène ! et les contrôles vétérinaires ! Or, c'est bien parce que ceux-ci sont défaillants dans les abattoirs que nous nous interrogeons aujourd'hui. Que ces questions se posent est normal, qu'elles soient instrumentalisée puis érigées en obstacles infranchissables est en revanche immoral. L'abattage à la ferme existe déjà. Il se pratique dans l'illégalité. Chaque vidéo publiée par L214 augmente le nombre d'éleveurs qui y ont recours, et celui des consommateurs, certes encore très minoritaires mais néanmoins prêts à prendre le risque de passer outre tout contrôle. L'abattage à la ferme n'est pas synonyme de fin des abattoirs. Ceux-ci ne font que changer de nature : ils existeront toujours mais on n'y tuera plus. Les abattoirs deviendront des centres de découpe dont dépendront les camions d'abattage. La viande deviendra-t-elle hors de prix ? Pas forcément, à condition de nous donner la peine de réapprendre à la manger et d'en manger moins mais mieux. Que ce soit plus facile à dire qu'à faire, j'en conviens. Qu'il soit plus simple de devenir végétalien, je peux l'entendre. Que cela soit impossible, je ne peux pas l'admettre tant que nous n'aurons pas essayé. Devant le scandale récurrent des abattoirs français, légaliser l'abattage à la ferme est plus qu'une nécessité, c'est un devoir. Comme souvent dans notre rapport collectif avec les animaux, il en va de la mesure de notre humanité.

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