Новости по-русски

Pourquoi suspendre le financement étranger de mosquées ne serait pas la solution miracle

RELIGION - "Reconstruire l'islam de France". Cinq jours après l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray qui a choqué toutes les communautés religieuses de France, Manuel Valls lance cet appel dans le Journal du dimanche ce 31 juillet. Prenant soin de distinguer croyants et fanatiques, il y évoque notamment la question des financements, comme il l'avait fait vendredi dans un entretien au Monde où il prônait la suspension du "financement de l'étranger pour la construction des mosquées".

Pour le chef du gouvernement, cette question "est centrale" et "mérite un débat approfondi et renouvelé". "Nous ne parvenons pas à sortir d'une forme de contradiction: la laïcité nous enjoint de ne pas subventionner la construction de mosquées, mais nous laissons ainsi à d'autres le soin de financer les lieux de culte", alerte Manuel Valls.

Ce même dimanche, toujours dans le JDD, des personnalités musulmanes abordent aussi ce sujet dans un texte intitulé "Nous, Français et musulmans, sommes prêts à assumer nos responsabilités". Ces intellectuels, médecins ou chefs d'entreprise appellent à "donner des sources de financement pérennes et transparentes aux mosquées" ainsi que "former et salarier des imams" en France.

Ce qui est visé, après la série d'attentats qui ont endeuillé la France depuis janvier 2015, c'est le risque de radicalisation et la crainte des "influences venues de l'étranger", résume le premier ministre, qui dénonce "un poison terrible". Si son souhait de limiter ces financements est partagée au FN et à droite - où l'on dénonce aussi son "hypocrisie" -, reste à savoir comment cette mesure pourrait être mise en place et si elle serait vraiment efficace.







Un financement "faible" et "concentré"


Dans un très récent rapport sénatorial, Nathalie Goulet (UDI) et André Reichardt (Les Républicains) relèvent que si "le financement par les États étrangers existe", "il est faible proportionnellement et est relativement concentré sur un petit nombre d'États et sur seulement quelques mosquées", à l'image des Grandes mosquées de Mantes-la-Jolie ou Strasbourg dont l'Arabie saoudite a partiellement financé la construction.

Par ailleurs, "le financement de la construction et de l'entretien des mosquées est assuré majoritairement par la communauté elle-même, grâce aux dons des fidèles", souligne le rapport. "Le financement du culte musulman se rapproche de celui des autres cultes, notamment du culte catholique, qui provient à 80 % des dons des fidèles", peut-on également lire dans le rapport.




Au final, seules "une vingtaine" de mosquées françaises seraient aujourd'hui financées par des organisations ou des Etats étrangers, note Le Monde. Quant aux imams, ils seraient aux deux tiers bénévoles, le reste étant rémunérés par les collectes ou par financement étranger, notamment de l'Arabie saoudite.

Selon le rapport du Sénat, les subventions des principaux États s'élèvent à quelques millions d'euros par an: 6 pour le Maroc, dont le salaire des imams, 2 pour l'Algérie allant à la Grande Mosquée de Paris, 3,8 de l'Arabie saoudite en tout depuis 2011, tandis que la Turquie finance indirectement ses cadres religieux.

"On estime que la proportion d'argent venant de l'étranger, y compris de mécènes privés et pas seulement des États, est de 20 à 30%", complète Bernard Godard, ancien "monsieur islam" du ministère de l'Intérieur.

Quelle réelle efficacité?


Des chiffres qui font relativiser et valent à la proposition de Manuel Valls d'être qualifiée de "double imposture" par la sénatrice Nathalie Goulet. "Ces propos partent du postulat que la radicalisation vient des mosquées, ce qui n'est pas vrai", note-t-elle en répétant que le financement étranger est minoritaire. Selon elle, le suspendre entraînerait même une violation de la laïcité" puisque l'Etat français devrait alors se substituer aux aides étrangères.

En outre, Bernard Godard note que l'argent du financement étranger "va souvent aux lieux de culte les plus grands", notamment les mosquées-cathédrales, qui ne sont pas connues comme des foyers de radicalité.

"J'ai tendance à penser que les mosquées salafistes (environ 120 sur 2500 lieux de culte musulmans, selon les derniers chiffres de Matignon, NDLR) sont moins payées par l'étranger, car les pays du Golfe se méfient à l'idée de voir arriver leurs financements dans de tels circuits", estime l'expert, qui fait aussi la distinction entre salafistes et jihadistes.



Par ailleurs, on peut noter comme Le Monde que la plupart des jihadistes ayant frappé la France depuis 18 mois ne correspondent pas "au cliché du salafiste barbu ayant étudié le Coran durant des années, mais plutôt à de jeunes délinquants radicalisés en prison ou par de la propagande sur le Web".

Quant à former des imams uniquement en France, l'idée semble illusoire dans l'immédiat, faute de structures d'enseignement suffisantes. Pour animer leurs prêches, les associations cultuelles musulmanes ont bien besoin des quelque 300 "imams détachés" par la Turquie (150), l'Algérie (120) et le Maroc (30).

Ces imams sont souvent les plus stables professionnellement et les mieux formés en théologie parmi les quelque 1800 imams exerçant en France, dont un grand nombre sont rémunérés à temps partiel, voire sont bénévoles. Le gouvernement a d'ailleurs renforcé ces derniers mois les accords avec Rabat et Alger pour la formation et le contrôle de ces cadres.

Lire aussi :

• Des musulmans dans les églises, la réponse des communautés religieuses aux attentats

• Bernard Cazeneuve nie être favorable à un concordat avec l'islam

• Vers une réorganisation des institutions de l'islam de France?

• Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici

• Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost

• Retrouvez-nous sur notre page Facebook


Читайте на 123ru.net