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"Cachez cet assassin que je ne saurais voir!"

La décision prise par certains médias (TV et presse écrite) de supprimer toute référence aux noms des assassins terroristes est l'exemple type de la fausse bonne idée. Elle part de l'idée que l'exposition médiatique fait de ces gens des héros et participe de leur publicité en oubliant qu'ils ne sont des héros qu'auprès de leurs émules - Dabiq, Dar al-islam ou inspire se repaissent déjà de leurs faux exploits - et que cette pratique peut se révéler pire que le mal qu'elle espère soigner. Elle est l'expression ultime du désarroi et de la réaction émotionnelle. Celle qui mène aux pires erreurs.

La vision qui se dégage de cette idée nous ramène à l'ORTF du général De Gaulle, quand le pouvoir pouvait dissimuler ou modérer une violence ambiante. Entre 1956 et 1962, 13500 actes terrorismes touchèrent la France métropolitaine et faisant 4000 morts et 9000 blessés. Qui s'en rendit vraiment compte ? L'information était verrouillée ou segmentée. Or aujourd'hui on le sentiment que certains pensent comme en 1960 en oubliant que le torrent (le tsunami ?) Internet est passé par là ainsi que les réseaux sociaux et autres Twitter, Instagram, chats ou blogs parallèles. Supprimer les noms et photos va immédiatement alimenter la machine à fantasme : ceux qui pensent que c'est forcément le coup du Mossad ; que c'est celui des services secrets français ; qu'on veut leur cacher quelque chose ; que c'est pas net ; que ce sont des musulmans que le gouvernement couvrent pour ne pas alimenter l'islamophobie ; que ce ne sont pas des musulmans et donc que le complot est prouvé ; etc., etc. C'est donc faire le lit pour rien des complotistes de tous bords. C'est ouvrir la porte à tous les fantasmes et à toutes les violences. Car les noms circuleront quand même : les vrais, les faux, les tronqués ... et tout le monde en prendra pour son grade, jusqu'au moment où des personnes décideront d'aller faire justice elle-même, persuadées que les "vrais" coupables n'ont pas été punis. Alors malheur au présumé coupable ; à leur famille... et à l'innocent.

"Mal nommer une chose, c'est ajouter au malheur du monde" a dit Camus, refuser de la nommer c'est le provoquer !

Par ailleurs, comme l'a bien dit, Brian Jenkins, un des premiers analystes du terrorisme il y a quarante ans, "le terrorisme c'est du théâtre." Il y a unité de temps, de lieu et d'action. Il y a du bruit et de la fureur, du cri et des larmes ; des acteurs et des spectateurs. Alors, si nous avons bien compris la démarche, nous spectateurs, n'aurions droit de voir le spectacle et l'horreur, voire le châtiment, mais pas la distribution ? Drôle de film ! Or si l'on veut avoir la moindre chance de combattre cette horreur il faut la regarder en face. "Non ; ils n'étaient pas inhumains", dit Joseph Conrad dans "Au cœur des ténèbres", C'était le pire de tout. Ce soupçon qu'ils n'étaient pas inhumains." C'est donc bien cette humanité là qu'il faut regarder, froidement et en face. Car l'Homme pensant, avec son chemin sociologique personnel, fait de difficultés et de souffrances inventées ou réelles, s'appuie sur l'idéologie mortifère de l'islam radical armé - le dernier totalitarisme. Et cacher une image c'est supprimer l'autre de notre vision - peut-être la plus importante. C'est finalement supprimer la menace : le tueur et surtout la raison pour laquelle il tue. Voir l'assassin c'est nous donner les moyens de le combattre. Le nier c'est tirer avec une kalashnikov dans une pièce noire !

Cette mesure illustre bien le désarroi dans lequel la société française est plongée. Elle nous dit où nous en sommes : plus nous recevons de coups, plus nous fermons les yeux sur ce que nous n'avons pas fait et sur ce que nous avons fait. Le boxeur sonné va fermer les yeux pour ne plus voir tomber les coups alors qu'il lui faut les ouvrir s'il veut les surmonter. C'est le roi Lear qui avance les yeux crevés. Prendre conscience de cette situation doit nous permettre d'en sortir par le haut. "La lucidité", a dit René Char, "est la blessure la plus proche du soleil". Ca pique, ça fait mal, mais il n'y a pas d'autre choix que de regarder les choses en face. Ce n'est pas faire honneur à l'assassin. C'est lui montrer notre volonté inflexible et d'une certaine manière, tracer son destin. Bien sûr, nous sommes assommés de cette information en boucle 24/24 que les medias TV et radio propagent en boucle. C'est eux qui devrait s'interroger sur cette présence étouffante d'où procède la triste "solution" qu'ils viennent d'inventer. C'est peut-être là dans la gestion du "temps terroriste" qu'il faudrait regarder en prenant une vrai distance : Celle de la réflexion. Pas en mettant un cautère sur une jambe de bois au risque d'infecter la vraie ; mais en assumant le réel avec une vraie position, la seule qui vaille : debout.

"Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face" a écrit un jour Larochefoucaud. Et bien, si l'on veut avoir une petite chance de gagner, si !

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