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Le sexe à l'état civil, l'expression d'une réalité?

Le sexe à l'état civil, l'expression d'une réalité? Dans une interview publiée récemment sur le site du journal "Le Point", la sociologue Laurence Neuer s'interroge fort sur la réalité qui se cache derrière l'obligation de déclarer un sexe à l'état civil.

On pourra mettre en avant le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes qui, de fait, présuppose qu'une personne ne saurait disposer de par son libre choix du changement de certaines des caractéristiques qui la définisse au yeux de la collectivité. De fait, le lieu de naissance ou l'âge sont par définition immutables, sauf erreur manifeste de l'officier d'état civil. Le nom, le prénom ou le sexe peuvent eux être modifiés, mais, malgré les récents efforts de simplification actés par la loi sur la justice du XXIème siècle, si l'on voit la procédure de changement de prénom ou du divorce par consentement mutuel sortir du cadre judiciaire, celle du changement de sexe demeure dans un cadre juridique particulièrement contraignant. Au mieux la démarche devra être justifiée devant un juge aux Affaires Familiales et elle restera, au pire, dans le cadre du TGI selon le bon vouloir du ministère de la Justice qui n'a pas encore pris position sur les décrets d'application encadrant cette procédure.


"Pourquoi faire figurer sur les documents administratifs le sexe d'une personne et non sa couleur de peau, élément pourtant immutable lui aussi?"



On peut d'autant plus légitimement s'interroger sur l'opportunité de cette notion d'état d'indisponibilité, au nom de laquelle les personnes intersexuées ou transidentitaires resteront soumises à une procédure aussi longue que coûteuse, que d'autres éléments immutables de la personne sont eux passés sous silence. Ainsi, pourquoi faire figurer sur les documents administratifs le sexe d'une personne et non sa couleur de peau, élément pourtant immutable lui aussi?

La remarque pourra paraître choquante. Mais il semble ainsi évident qu'aux yeux du législateur la discrimination visant les personnes vivant dans un sexe qui n'est pas le leur ne saurait être mise à la même aune que le racisme, sans que cela n'oblitère en rien la réalité subie par les personnes de couleur...

Le problème de fond est que c'est le sexe et non le genre qui depuis bien longtemps à été considéré comme un élément d'identification incontournable. Nul ne peut pourtant nier que les diverses évolutions sociétales dont le "mariage pour tous" ont profondément modifié l'idée que nous avons de cette notion. Contrairement à ce que voudrait nous imposer certains esprits rétrogrades, la définition de la famille, déjà bien mise à mal depuis le divorce par consentement mutuel, lui aussi récemment simplifié et déjudiciarisé, ne peut désormais plus se limiter à la seule idée d'un père et d'une mère mais s'est étendue à celle de deux individus engagés ensemble dans un projet commun. C'est pourquoi les divers reculs sur la question de la PMA et les incertitudes qui demeurent sur le sort des enfants nés par GPA à l'étranger ne font qu'acter une amère impression d'incohérence et d'avancée inachevée.


"Vouloir imposer un sexe à la naissance est contraire à la réalité qui veut que l'identité d'une personne se défini tout autant par l'acquis que par l'inné."



De la même, façon, vouloir enfermer l'individu dans une notion d'un sexe qui ne serait cantonnée qu'à ses caractéristiques génétiques et biologiques est depuis longtemps dénuée de sens. Ne pas y inclure la notion de genre, constituante essentielle de notre comportement, c'est faire l'impasse sur l'identité globale de ce dernier. Si le combat pour l'égalité entre les sexes avance malgré un rythme chaotique, les stéréotypes de genre ont toujours la vie dure, imposant de fait une séparation de facto des sexes sans autre raison de n'être qu'une morale uniquement justifiée par un machisme d'un autre âge.
Vouloir ainsi imposer un sexe à la naissance, sexe qui serait par définition immutable est contraire à la réalité qui veut que l'identité d'une personne se défini tout autant par l'acquis que par l'inné et qu'elle évolue au cours du temps.

L'on a défini ainsi deux catégories binaires dans lesquelles sont ainsi enfermées les personnes tant intersexuées que transidentitaires et dont elle ne peuvent sortir qu'après un bien trop long et difficile parcours juridique, ce qui ne fait qu'ajouter sans nécessité aucune une difficulté inutile à leur drame personnel. N'oublions pas que la démédicalisation du changement d'état civil, dont on ne sait encore si elle sera réellement actée dans les faits, n'a été obtenu que sous la menace d'une condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l'Homme au titre des résolutions 1728 et 2048 du Conseil de l'Europe et que notre pays vient pour la troisième fois de faire l'objet d'une mise en garde de l'ONU pour des actes de mutilation génitaux concernant les personnes intersexuées.

La situation d'exclusion dont ces personnes font trop fréquemment l'objet ne pourra être combattu que par un changement profond des mentalités. Comme dans toute grande avancée, ainsi que ce fut le cas pour l'abolition de la peine de mort et que cela devrait l'être enfin pour le droit de mourir dans la dignité, cette dernière ne pourra être obtenue que par l'expression de volonté politique sans faille. Abolir le sexe des documents administratifs constitue sans nul doute un chantier d'une ampleur sans précédent. La simple remise en cause du numéro d'INSEE et par là même de celui de la Sécurité Sociale a de quoi faire cauchemarder nos plus éminents technocrates. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas là d'une simple réforme administrative mais de refonte de notre état civil, refonte indispensable si l'on désire mettre un terme à la situation, de discrimination et d'exclusion de toute une catégorie de personnes que la société condamne du simple fait d'un état dont elle ne saurait être rendues responsables.

La loi sur la Justice du XXIème siècle était pour le gouvernement l'occasion, en permettant comme l'ont déjà fait certaines démocraties européennes, le changement de sexe par simple déclaration devant un officier d'état-civil, et en offrant aux personnes intersexuées la possibilité de prendre en main leur destin en décidant du sexe auquel elles appartiennent, l'occasion de faire l'économie d'une telle réforme. En montrant, de par des amendements particulièrement restrictifs, sa volonté de maintenir ces personnes dans le carcan judiciaire, le ministre de la Justice n'a fait que reporter un problème qui refera surface tôt ou tard.

On ne peut que souhaiter, malgré la période difficile que nous traversons, et peut-être même parce que les douloureux événements dont nous sommes victimes doivent plus que jamais nous inciter à mettre en avant les valeurs de progrès qui sont les notre, que la loi mette enfin en phase avec la réalité de notre société les notions même de famille et d'état civil afin de réaffirmer, aux yeux d'un monde partagé entre l'obscurantisme et la lumière, de quel coté nous sommes.

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