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Ifri des uns, Ifri des autres

Ifri des uns, Ifri des autres

Ifri s’est réveillée hier dans une ambiance bruissante qui l’a extirpée de son calme habituel, et ce, comme chaque 20 août.

Du monde a rempli ses rues et son site historique qui s’est paré d’un nouvel habit pour accueillir tant d’officiels à la fois et, ensuite, ses autres invités. Parce que ce 60e anniversaire a été le rendez-vous de deux commémorations qui sont venues confirmer obstinément, si besoin est, le fossé qui sépare l’Algérie officielle et l’Algérie des autres. Reportage.

Dès 7h, le portail du site d’Ifri s’est ouvert à la forte délégation ministérielle venue commémorer dans la solennité cette date historique. Tout l’axe de la RN26, puis le chemin de wilaya qui monte vers Ifri à partir de la ville d’Ighzer Amokrane, sont jalonnés d’un dispositif sécuritaire inhabituel. Des barrages de la gendarmerie et de la police sont installés en nombre sur tout le parcours. Des bus sont arrêtés pour contrôle d’identité par le Darak, comme au temps de la traque des terroristes. «On nous a demandé si nous ne transportions que des militants», témoigne le chauffeur d’un bus loué par le FFS.

A Ifri, les premiers arrivés ont mal fait d’avoir été matinaux car ils n’ont pas été autorisés à accéder au site, réservé à la délégation officielle. Une vingtaine de minutes plus tard, celle-ci quitte les lieux. Ifri des officiels a libéré le site pour le peuple qui a envahi Ifri pour se ressourcer et dire sa fidélité au message de la Soummam.

La veille, une petite affiche, collée sur le portail du site depuis le 10 juin dernier, informait que les lieux ne seront rouverts au public que ce samedi à 10h. «Finalement, la délégation officielle, est venue plus tôt», nous répond le gardien des lieux. La foule est plus nombreuse que lors du 20 août 2015. Trouver une place pour stationner aux alentours immédiats d’Ifri est impossible vers 8h. Ils sont venus de partout, défiant le soleil brûlant. Parmi eux, un groupe d’enfants de chouhada, en rupture de ban avec des organisations comme l’Onec et la Cnec, venus d’un peu partout, de Bouira, Tizi Ouzou, Béjaïa… Ils sont déçus. Ils croyaient pouvoir accrocher le ministre des Moudjahidine. A leur arrivée à 8h20, Tayeb Zitouni n’était plus là. Parti comme il est venu, en décalage.

«Nous dénonçons ‘l’absence’ du ministre», nous déclare Madjid Aguercif, au nom du Mouvement libre des enfants de chouhada. «J’étais là à 7h et le portail était fermé», se plaint l’un d’eux. «Le 20 Août c’est une assise de l’Etat. Quel est ce gouvernement qui commémore une aussi importante date de cette façon», s’interroge, outré, ce fils de chahid venu d’Alger pour, ajoute-t-il, «dire au ministre ses quatre vérités». «Ils n’ont aucune légitimé historique», renchérit Madjid Aguercif, sous le chapiteau installé par les responsables du musée devant le mémorial, très sollicité hier. «Nous ne vénérons pas un homme, mais un pays», déclare son camarade.

En face de lui, un grand portrait de Abdelaziz Bouteflika trône sur un mur du musée. Il surplombe les six stèles qui viennent d’être inaugurées à la mémoire des six chefs historiques qui ont animé le Congrès de la Soummam. Censées être confectionnées aux dimensions réelles des six révolutionnaires, elles ne sont pas bien proportionnées. Le public les prend d’assaut pour des photos et des selfies, piétinant les noms figurant au bas de chacune d’elle : Lakhdar Bentobbal, Zighoud Youcef, Abane Ramdane, Amar Ouamrane, Krim Belkacem et Larbi Ben M’hidi. Le côté narcissique prime sur l’esprit de recueillement. Dans un coin, un groupe de scouts joue du tambour et de  la trompette.

Au pied du mémorial, un groupe de jeunes filles en haïk, panier à la main, est venu commémorer à sa façon l’événement. Elles viennent de la ville de Béjaïa au nom de l’association La concorde.

Dans la grande cour, le FFS a fait le plein de militants. Le parti a fait les choses en grand pour ce 60e anniversaire, jusqu’à monter une scène avec sonorisation. Il a fallu faire pression sur les responsables des lieux pour pouvoir déployer cette logistique après le départ des ministres. Partout, des dizaines de têtes coiffées de casquettes flanquées du sigle du FFS circulent. Le MPA a voulu le concurrencer sur le terrain en distribuant généreusement ses casquettes à des visiteurs gênés par le soleil. Au mémorial, le représentant du MPA, El Hadj Cheikh Barbara, discoure, lançant qu’«il faut faire barrage à ceux qui veulent salir l’image de notre Révolution».  Amara Benyounès n’était pas à Ifri, mais certains de ses anciens camarades du RCD ont accompagné Nourdine Aït Hamouda pour déposer, sobrement, une gerbe de fleurs au nom de la Fondation Amirouche, avant de laisser place au FFS pour en faire de même, et redescendre ensuite pour les prises de parole de ses cadres.

Le recueillement du RCD a été voulu dans la sobriété. La délégation de ses cadres et militants du bureau régional n’a pas fait de déclaration, préférant marquer la fidélité du parti au rendez-vous d’Ifri. Les rappelés de l’armée nationale pendant la période 1995-1999 sont venus aussi, répondant à l’appel de leur «instance nationale». L’un d’eux se fait prendre en photo, vêtu de sa tenue «militaire» sur laquelle un message, exprimant la déception, attire l’attention : «le repenti est mieux que moi». La désillusion de cet autre visiteur est mêlée d’amertume.

Se faisant photographier près des portraits des disparus, Hassan Ferhat est venu d’Alger pour dire la douleur inextinguible de ces familles qui n’ont pas pu faire le deuil de leurs proches. «Ils ont peur de l’histoire et de la vérité. Ils sont pour l’impunité, mais l’histoire va les rattraper», dénonce-t-il.

Des femmes et des hommes âgés circulent parmi la foule, certains canne à la main. Zaamoun Mohamed est l’un d’eux. Emprisonné pendant 13 mois par l’armée française, il a fait Lambèse sous le matricule 1039. Le souvenir est indélébile. Ce 20 août 2016, il est là, à Ifri, avec l’émotion de rendre hommage à des camarades de lutte.

A midi, six couronnes de fleurs entourent le mémorial d’Ifri. D’autres arriveront certainement. Sur la route du retour, le chemin de wilaya ne désemplit pas. On vient encore de partout, en voiture ou en bus, de Boumerdès, Annaba, Béjaïa... Ifri aura toujours ses fidèles.

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