Après les médailles, l'heure est à la réflexion pour l'équitation tricolore
La filière équestre française repose sur une longue tradition d'excellence témoignant d'un grand dynamisme et d'une diversité conséquente. Cette réussite est ancrée dans nos territoires. Les pistes de courses hippiques de renom, le développement des arts équestres au Cadre Noir de Saumur, les Jeux Équestres Mondiaux organisés en Normandie en 2014, l'institut français du Cheval et de l'Equitation, le gigantesque Parc Fédéral de Lamotte Beuvron, les anciens Haras nationaux français, sont autant de témoignages de l'aboutissement d'une filière inscrite dans notre patrimoine.
Sur un plan plus économique, le rayonnement de ce modèle permet une exportation (4ème exportateur mondial de chevaux) qui se manifeste tant en transmission de savoir-faire que par des ventes de "produits". Tel en est l'exemple des conventions de partenariat et de coopération conclues par l'UNIC (Union Nationale Interprofessionnelle du Cheval) avec la Chine, la Corée, le Japon... Un organisme qui a pour mission d'assurer la promotion de cette filière à l'étranger.
Du côté du recrutement, en 2013, le monde du cheval employait 180.000 personnes en France, soit 0.7% des emplois au niveau national. Un chiffre conséquent, surtout dans une période de crise et de chômage. De plus, le fort dynamisme de toute la filière permet la mise en œuvre d'un riche réseau de bénévolat indispensable à la plupart des compétitions.
Lorsqu'il s'agit de valeurs, la filière équestre génère également un véritable cercle vertueux. C'est le concept du "cheval partagé", devenu la base de fonctionnement des centres équestres, qui l'a rendu plus accessible. Regroupant quasiment 700.000 licenciés, elle est la seule discipline encore mixte mais aussi le premier sport féminin en France. Ainsi l'équitation agit sur biens des facettes. D'un point de vue social, le contact avec les équidés permet aux enfants, dès leur plus jeune âge, de se familiariser avec les animaux et de se responsabiliser tout en pratiquant une activité sportive. L'équitation de rééducation et "l'équithérapie" permettent aussi l'accueil de personnes en situation de handicaps physiques ou de troubles mentaux dans un souci de bien-être et de sport pour tous. Dans cette optique, la "médiation équine" est utilisée pour les jeunes enfants souffrant d'autisme et de troubles du comportement. Egalement utilisé dans les périodes post incarcération, les équidés ont un fort potentiel de réinsertion qui mérite d'être plus largement mis à contribution.
Cependant, aujourd'hui le secteur se retrouve en grande difficulté. C'est ce que confirme le rapport d'information sur la situation de la filière équine présenté par la Sénatrice Anne-Catherine Loisier (Présidente de la section cheval du groupe d'études sur l'élevage et sur la situation de la filière équine). Dévoilé au cours d'une réunion de la Commission des Affaires économiques le 15 juin dernier, il a permis d'exprimer un soutien aux professionnels du milieu et de faire émerger des recommandations.
Cette crise est en partie due à des raisons conjoncturelles ayant entraîné une baisse du pouvoir d'achat des cavaliers, mais pas que. La hausse de la TVA à 20% a constitué une augmentation des charges bien plus rapide que celles des recettes. La multiplication des normes agricoles, sécuritaires et la modification des rythmes scolaires ont ensuite largement contribué à fragiliser ce secteur. A toutes ces préoccupations, il faut ajouter un système administratif compliqué: la filière équine, selon sa vocation, dépend soit du Ministère de l'Agriculture soit du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Une double tutelle qui ne lui confère que peu d'avantages.
Si tous ces aspects semblent être induits par des extranéités, ils posent tout de même la question de la bonne gouvernance du monde équestre, qui ne semble pas à même de s'auto-réguler. En 2015, l'ONG Danoise "Play the Game" a publié son rapport annuel dans lequel elle prône la transparence et le renforcement des fondations éthiques du sport au détriment de la mauvaise gestion et de l'opacité des fédérations sportives internationales. Sur les 35 fédérations analysées, c'est la Fédération Équestre Internationale (FEI) qui est pointée du doigt en première! Devançant même la FIFA (Fédération Internationale de Football) qui pourtant connait de nombreux scandales ces dernières années. De façon plus ancienne, on peut aussi penser à la Fédération Française d'Equitation qui, en 2005, s'était vu retirer son agrément faute de statuts concordants avec ses missions.
Pourtant, malgré toutes les difficultés attenantes à ces disciplines, ce sont les cavaliers de concours complet, athlètes laborieux, qui ont ouvert le bal des médailles à Rio, en remportant l'épreuve par équipe. Couplé à l'obtention d'une médaille d'argent en individuel pour le cavalier Astier Nicolas, ils ont fait retentir les premières Marseillaises des Jeux. Quelques jours plus tard, ce sont les cavaliers d'obstacles qui ont à nouveau décroché l'or par équipe après avoir enchaîné les coups durs. Au cœur d'une couverture médiatique sans précédent, il faut espérer que l'engouement autour de leur succès aura des retombées plus générales, que les fédérations sauront en profiter tant au niveau de la mise en place de nouvelles réformes que sur la communication, et qu'il donnera toute la lumière nécessaire à la valorisation mais aussi au soutien d'une filière quelque peu oubliée.
Ce vecteur de croissance, d'emplois, de santé et de bien-être, d'activités sportives, d'éducation, d'agriculture, de tourisme, mais aussi de thérapies pourrait voir résoudre ses problèmes grâce à l'aménagement de son taux de TVA ou par une meilleure gestion des fonds et ressources qui lui sont allégués. Il semble aussi primordial de clarifier, voir même de simplifier, l'accès à la politique agricole de l'Union européenne (PAC) dont le rôle est de soutenir financièrement toutes ces activités mais dont le recours s'avère pourtant très complexe. Plus globalement ce sont toutes les aides et subventions allouées aux activités équestres qui méritent d'être rendues plus accessibles. Aujourd'hui, il faut pouvoir soutenir toutes ces activités, mais pour cela un véritable effort en termes de coordination et d'organisation reste nécessaire face à une filière très dispersée. Toutes ces hypothèses sont loin d'être les seules à avoir un effet quant à la redynamisation et la sauvegarde du patrimoine équestre. Cependant, seule la concertation de tous les acteurs du secteur permettront de donner une réponse à ces difficultés.
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Sur un plan plus économique, le rayonnement de ce modèle permet une exportation (4ème exportateur mondial de chevaux) qui se manifeste tant en transmission de savoir-faire que par des ventes de "produits". Tel en est l'exemple des conventions de partenariat et de coopération conclues par l'UNIC (Union Nationale Interprofessionnelle du Cheval) avec la Chine, la Corée, le Japon... Un organisme qui a pour mission d'assurer la promotion de cette filière à l'étranger.
Du côté du recrutement, en 2013, le monde du cheval employait 180.000 personnes en France, soit 0.7% des emplois au niveau national. Un chiffre conséquent, surtout dans une période de crise et de chômage. De plus, le fort dynamisme de toute la filière permet la mise en œuvre d'un riche réseau de bénévolat indispensable à la plupart des compétitions.
Lorsqu'il s'agit de valeurs, la filière équestre génère également un véritable cercle vertueux. C'est le concept du "cheval partagé", devenu la base de fonctionnement des centres équestres, qui l'a rendu plus accessible. Regroupant quasiment 700.000 licenciés, elle est la seule discipline encore mixte mais aussi le premier sport féminin en France. Ainsi l'équitation agit sur biens des facettes. D'un point de vue social, le contact avec les équidés permet aux enfants, dès leur plus jeune âge, de se familiariser avec les animaux et de se responsabiliser tout en pratiquant une activité sportive. L'équitation de rééducation et "l'équithérapie" permettent aussi l'accueil de personnes en situation de handicaps physiques ou de troubles mentaux dans un souci de bien-être et de sport pour tous. Dans cette optique, la "médiation équine" est utilisée pour les jeunes enfants souffrant d'autisme et de troubles du comportement. Egalement utilisé dans les périodes post incarcération, les équidés ont un fort potentiel de réinsertion qui mérite d'être plus largement mis à contribution.
Cependant, aujourd'hui le secteur se retrouve en grande difficulté. C'est ce que confirme le rapport d'information sur la situation de la filière équine présenté par la Sénatrice Anne-Catherine Loisier (Présidente de la section cheval du groupe d'études sur l'élevage et sur la situation de la filière équine). Dévoilé au cours d'une réunion de la Commission des Affaires économiques le 15 juin dernier, il a permis d'exprimer un soutien aux professionnels du milieu et de faire émerger des recommandations.
Cette crise est en partie due à des raisons conjoncturelles ayant entraîné une baisse du pouvoir d'achat des cavaliers, mais pas que. La hausse de la TVA à 20% a constitué une augmentation des charges bien plus rapide que celles des recettes. La multiplication des normes agricoles, sécuritaires et la modification des rythmes scolaires ont ensuite largement contribué à fragiliser ce secteur. A toutes ces préoccupations, il faut ajouter un système administratif compliqué: la filière équine, selon sa vocation, dépend soit du Ministère de l'Agriculture soit du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Une double tutelle qui ne lui confère que peu d'avantages.
"L'équitation tricolore pourrait voir résoudre ses problèmes grâce à l'aménagement de son taux de TVA. "
Si tous ces aspects semblent être induits par des extranéités, ils posent tout de même la question de la bonne gouvernance du monde équestre, qui ne semble pas à même de s'auto-réguler. En 2015, l'ONG Danoise "Play the Game" a publié son rapport annuel dans lequel elle prône la transparence et le renforcement des fondations éthiques du sport au détriment de la mauvaise gestion et de l'opacité des fédérations sportives internationales. Sur les 35 fédérations analysées, c'est la Fédération Équestre Internationale (FEI) qui est pointée du doigt en première! Devançant même la FIFA (Fédération Internationale de Football) qui pourtant connait de nombreux scandales ces dernières années. De façon plus ancienne, on peut aussi penser à la Fédération Française d'Equitation qui, en 2005, s'était vu retirer son agrément faute de statuts concordants avec ses missions.
Pourtant, malgré toutes les difficultés attenantes à ces disciplines, ce sont les cavaliers de concours complet, athlètes laborieux, qui ont ouvert le bal des médailles à Rio, en remportant l'épreuve par équipe. Couplé à l'obtention d'une médaille d'argent en individuel pour le cavalier Astier Nicolas, ils ont fait retentir les premières Marseillaises des Jeux. Quelques jours plus tard, ce sont les cavaliers d'obstacles qui ont à nouveau décroché l'or par équipe après avoir enchaîné les coups durs. Au cœur d'une couverture médiatique sans précédent, il faut espérer que l'engouement autour de leur succès aura des retombées plus générales, que les fédérations sauront en profiter tant au niveau de la mise en place de nouvelles réformes que sur la communication, et qu'il donnera toute la lumière nécessaire à la valorisation mais aussi au soutien d'une filière quelque peu oubliée.
Ce vecteur de croissance, d'emplois, de santé et de bien-être, d'activités sportives, d'éducation, d'agriculture, de tourisme, mais aussi de thérapies pourrait voir résoudre ses problèmes grâce à l'aménagement de son taux de TVA ou par une meilleure gestion des fonds et ressources qui lui sont allégués. Il semble aussi primordial de clarifier, voir même de simplifier, l'accès à la politique agricole de l'Union européenne (PAC) dont le rôle est de soutenir financièrement toutes ces activités mais dont le recours s'avère pourtant très complexe. Plus globalement ce sont toutes les aides et subventions allouées aux activités équestres qui méritent d'être rendues plus accessibles. Aujourd'hui, il faut pouvoir soutenir toutes ces activités, mais pour cela un véritable effort en termes de coordination et d'organisation reste nécessaire face à une filière très dispersée. Toutes ces hypothèses sont loin d'être les seules à avoir un effet quant à la redynamisation et la sauvegarde du patrimoine équestre. Cependant, seule la concertation de tous les acteurs du secteur permettront de donner une réponse à ces difficultés.
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