[Cannes 2024] “Bird”, le bestiaire d’Andrea Arnold s’agrandit avec grâce

Dans “Bird”, le nouveau film d’Andrea Arnold, la cinéaste britannique renoue avec sa veine sociale, en introduisant dans la banlieue prolétaire anglaise, tout un bestiaire magique.

Bird raconte l’histoire de Bailey, jeune adolescente (Nykiya Adams) qui, fascinée par les oiseaux, rêve littéralement de s’envoler pour fuir le quotidien violent de la banlieue anglaise dans laquelle elle vit.

Dans ce nouveau film, la cinéaste semble pousser à son paroxysme tout ce qui jusqu’ici constituait son cinéma. La profusion d’éléments de décors par exemple, qui prend ici une autre ampleur, tout comme la violence masculine qu’elle n’avait jamais montrée aussi crûment. On connaît aussi l’importance de la présence animale dans le travail de la cinéaste : de l’abeille de Wasp, un court métrage sorti en 2003, à la vache de Cow, protagoniste du documentaire sorti en 2021. L’animal a toujours chez Arnold, une importance quasi mystique (on pense à l’ours d’American Honey ou au cheval de Fish Tank), comme un soutien silencieux ou un alter ego de ses personnages féminins. Elle les filme comme des apparitions, dans des moments de grâces statiques, avec une subtilité qui manque malheureusement un peu à ce nouveau film.

Les petites vies

C’est tout un bestiaire, que la cinéaste réunit dans Bird : oiseau, papillon, crapaud, chien, cheval, apparaissent çà et là, comme une horde invisible qui épaule la jeune fille et qui transforme la banlieue anglaise en un monde enchanté, où les crapauds bavent des liquides précieux si on leur chante du Coldplay. C’est du moins ce que croit le père de Bailey, interprété par Barry Keoghan, qui, comme pour les précédentes guest stars masculines de la cinéaste, se dévoile brillamment sous son objectif. En parallèle de la violence du monde humain (violence principalement masculine), Andrea Arnold fait cohabiter un monde salvateur, celui des bêtes, des petites vies, comme les appelle la poétesse italienne Anna Maria Ortese. L’animal comme présence salvatrice est personnifié par Bird (Franz Rogowski), personnage éponyme à l’aspect volatil qui entre dans la vie de l’adolescente pour mieux l’y en extraire. Lors de leur première rencontre, l’adolescente se sentant menacée, dégaine son téléphone pour le filmer; c’est aussi ce qu’elle fera avec le compagnon violent de sa mère lorsqu’il maltraite ses petites sœurs. Quand elle ne filme pas pour se défendre, Bailey film obsessionnellement les mouettes qu’elle projette ensuite sur le plafond de sa chambre. Le cinéma est comme l’oiseau de Bailey, une échappatoire et un moyen de résistance. Un joli hommage (autobiographique ?) au cinéma.

Bird d’Andrea Arnold, avec Nykiya Adams, Barry Keoghan, Franz Rogowski (Royaume-Uni). En compétition.

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