“Reconnaître le fascisme”: Umberto Eco sait ce qui nous attend avec le RN

Sous tous les visages qu’il peut prendre, le fascisme reste bien présent. Un effort de mémoire et d’ouverture est aujourd’hui nécessaire face à cette menace bien réelle.

Faut-il sans cesse nous rafraîchir la mémoire ? Il semblerait que oui. Ainsi, plus de mille historien·nes, dont Patrick Boucheron, Michelle Perrot, Pierre Nora, Mona Ozouf et Antoine Lilti, ont signé une tribune dans Le Monde ce 1er juillet : “Ne soyons pas dupes des prudences rhétoriques et tactiques grâce auxquelles le RN prépare sa prise de pouvoir. Ce parti ne représente pas la droite conservatrice ou nationale, mais la plus grande des menaces pour la République et la démocratie.”

Petit guide contre le fascisme

À propos d’histoire, depuis janvier, un petit livre ne cesse d’accroître ses ventes : la réédition en poche de l’ouvrage d’Umberto Eco Reconnaître le fascisme (Cahiers rouges/Grasset). Né en 1932, l’auteur a grandi sous le régime fasciste de Mussolini. Plus de soixante ans plus tard, il a écrit ce texte, dont la lecture s’avère primordiale aujourd’hui même, face à un Rassemblement national qui s’avance blanchi, masqué, manipulateur. Comme Eco l’écrit, “ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire : ‘Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rues italiennes !’ Hélas, la vie n’est pas aussi simple.”

Et le RN peut tout faire pour nous duper, il suffit, pour toutes et tous, de lire cet essai pour déchirer le masque de Bardella et compagnie. Car dans les 14 caractéristiques définies par l’écrivain comme inhérentes au fascisme, toutes dépeignent le RN. On ne les énumérera pas ici, mais on va se concentrer sur la fin pour mieux comprendre ce qui nous attend si le RN gagne.

Eco termine son texte en se souvenant du jour où il apprit à la radio la chute du fascisme et l’arrestation de Mussolini, le 27 juillet 1943. Ce jour-là, il découvrit aussi qu’il existait en fait plusieurs autres partis politiques, et pas seulement le parti fasciste, et qu’ils n’avaient pas eu le droit de citer du temps de Mussolini, acculés à la clandestinité. Il découvrit en même temps qu’il existait différents journaux et autant de lignes éditoriales, de façons variées, et non pas une manière unique d’informer imposée par le régime.

Les médias sous contrôle

Dans leur tribune, les historien·nes s’alarment ainsi à raison : “Imagine-t-on Vincent Bolloré, soutien objectif de l’extrême droite, absorber demain France Culture, France Inter et France 2 dans son empire médiatique, comme il l’a fait avec Le Journal du dimanche, Europe 1 ou Hachette, avec les conséquences que l’on connaît ?” C’est hélas ce qui se passera, que ce soit via Bolloré ou un autre de ces milliardaires cathos, anti-IVG, qui soutiennent le RN.

Ces médias jusque-là publics, qu’une majorité de citoyen·nes écoutent, ne seront plus dédiés à l’information et à une pluralité (critique) de voix, mais à une propagande au service de l’extrême droite. Il ne s’agira plus même de médias, mais d’outils au service d’un lavage de cerveau généralisé, dans le but d’asseoir définitivement, non pas un gouvernement, non pas une présidente, mais un régime.

Ceux et celles qui votent RN par volonté de voir émerger un changement ont donc bien tort. Celui-ci n’est pas le visage de la nouveauté, mais celui d’un système malheureusement trop connu, et des plus terribles maux de l’histoire qu’ont subi des millions d’êtres humains. Êtes-vous sûr·es que vous voulez perdre votre liberté ? Être manipulé·es ?

Reconnaître le fascisme d’Umberto Eco (Grasset/Les Cahiers rouges), traduit de l’italien par Myriem Bouzaher, 96 p., 7,90 euros. En librairie.

Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 4 juillet 2024. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !

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