“À son image” : Thierry de Peretti saisit la réalité corse des années 1980 avec sensibilité

Avant même que le récit se déploie, la mort est au cœur du nouveau film de Thierry de Peretti. Le temps aura beau remonter, il nous conduira impitoyablement jusqu’à la disparition brutale de son héroïne, Antonia. La mort, elle, semblait déjà flotter autour de la jeune reporter-photographe corse dont on va nous dérouler l’existence.

Si À son image peut se lire comme une histoire de la violence autour de l’île natale du cinéaste corse, déjà entreprise dans Une vie violente (2017), elle y trouve une forme encore augmentée dans sa juxtaposition avec deux autres récits. Entre grande fresque romanesque et théorie sur le rôle de la photographie, c’est autant la chronique d’une vie que des images, une réflexion sur leur capacité ou non à immortaliser le réel et la part d’obscénité de cette entreprise.

Tragédies nationale et personnelle

La violence est d’abord vécue par Antonia à travers la crise interne qui fracture les mouvements nationalistes du FLNC dans les années 1980, aussi bien intimement (ses ami·es et Pascal, son compagnon, en sont membres) que professionnellement (elle finit par travailler pour Corse-Matin et illustrer les événements politiques de l’île). Puis, en 1991, la photographe décide de couvrir en indépendante la guerre de Yougoslavie.

Extrêmement gracieux quand il décrit l’écoulement des années, À son image renverse totalement l’idée de reconstitution historique (aucun travail de vieillissement du casting ou grand marqueur temporel au programme). Comme pour mieux saisir l’absence d’homogénéité dans la perception du temps qui passe, le filmage​​​​​​ oscille entre fragments elliptiques qui accélèrent et concentrent l’idée de train lancé à toute vitesse qu’est l’existence d’Antonia, et le grand bloc du réel en plan-séquence. Souvent ramené à une forme très picturale, le récit parvient pourtant, par l’extrême précision de sa mise en scène, à en faire déborder une pulsation de vie grisante.

Une photographie savamment maîtrisée

On retient au moins trois séquences qui synthétisent tout le baroque minimaliste travaillé brillamment par le cinéaste : une scène où le groupe, encadré par les montagnes, s’interroge sur la radicalité de son engagement ; une dispute entre Antonia et ses parents, qui contestent son départ pour la Yougoslavie ; une scène musicale au son du Salut à toi de Bérurier Noir où la jeune femme, au travail, recherche minutieusement et avec obstination l’angle et le moment parfait pour prendre en photo son compagnon. Le riff fiévreux des guitares ne fera pas oublier que même ici, la mort était déjà là, nichée dans ce geste aussi sublime que morbide de figer le temps dans l’obturateur d’un appareil photographique.

À son image de Thierry de Peretti, avec Clara-Maria Laredo, Marc’Antonu Mozziconacci. En salle le 4 septembre.

Читайте на 123ru.net