“Drone” : un thriller français étonnant qui interroge la consommation des images

Par la fenêtre, un objet volant observe en secret Émilie (Marion Barbeau), une jeune femme posée derrière la grande vitre de son appartement niché en haut d’une grande barre d’immeuble. À son quotidien de camgirl basé sur la mise à disposition de son image s’ajoute un second regard, cette fois non consenti.

Bientôt, le·la spectateur·rice se retrouve projeté·e dans l’œil de la machine et découvre que le drone ne fait pas qu’observer la jeune femme, il l’enregistre. Ce regard se déchiffre vite. Par l’ampleur des mouvements de caméra et la façon dont l’appareil se meut, agit et bruisse dans l’air, l’objet ne semble pas agir dans une logique de surveillance. Il veut posséder Émilie par le regard, la dévorer.

Qui consomme cette image ?

Trouver qui nous regarde, c’est l’une des thématiques les plus répétées du cinéma, et plus particulièrement du thriller et du film d’horreur. Mais ici, le déplacement qu’opère Drone réside dans cette enquête abyssale que doit mener Émilie. Puisque la machine peut, en tout autonomie, s’octroyer le rôle du·de la filmeur·se, il faut pour la jeune femme déplacer son enquête. Ce n’est plus l’identité de ce·tte dernier·ère qui compte, mais savoir à qui cette image est ensuite destinée. Qui la consomme ? Une enquête qui par, sa nature même, sera impossible à conduire.

Aussi prometteur qu’inquiétant par son ambition très chargée, tout cet appareillage théorique et réflexif déployé sur le voyeurisme au cinéma – et plus précisément le male gaze – ne fait jamais chuter le film vers une réflexion trop lisible ou discursive.

Drone expérimente avec une sincérité jamais poseuse

Porté par une mise en scène extrêmement ludique qui regarde vers tout un pan du cinéma américain (aussi bien les thrillers voyeuristes d’un De Palma que l’épure glacé d’un Fincher) et une science de l’artisanat à la précision minutieuse (cadrage, mouvements de caméra, sound design), Drone est un film qui cherche son regard en permanence, expérimente avec une sincérité jamais poseuse. En créant un espace filmique à l’étrangeté singulière (la ville traitée comme un espace anonyme dont on nous refuse la lisibilité ou les personnages que le long métrage laissera dériver comme des surfaces non résolus).

Étudiante en architecture, Émilie évoque dans une scène la forme hélicoïdales pour préciser la structure d’un bâtiment. C’est aussi la forme du premier film de Simon Bouisson. Cyclique et entêtant, Drone nous propulse au cœur d’une spirale et nous laisse dans un état d’étourdissement pas si souvent éprouvé que ça dans le cinéma de genre français.

Drone de Simon Bouisson, avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand, Cédric Kahn En salle le 2 octobre.

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