Thu Kamkasomphou, une vie de rebonds

Double médaillée d’or paralympique, double championne du monde en simple et multiple championne d’Europe, la pongiste Thu Kamkasomphou est une légende vivante du para tennis de table. À 55 ans, elle s’apprête à participer à ses septièmes Jeux Paralympiques, à Paris. Toujours animée par la même soif de victoire. Retour sur le parcours exceptionnel d’une femme qui a fait de chaque obstacle un tremplin vers les sommets. PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°33.

L’histoire de Thu et du « ping » commence comme très jeune. Née au Laos, elle arrive en France à l’âge de dix ans. « J’ai rapidement pratiqué le football, puis mon père m’a proposé de commencer le tennis de table », et c’est à travers cette école de la vie que la jeune fille s’intègre. « J’avais 12 ans », se rappelle la pongiste. C’est alors que son destin bascule.

« Le médecin m’a dit que je ne pourrais plus pratiquer de sport »

Rapidement, cette nouvelle passion prend le dessus. S’enchaînent le sport-études à Rennes puis le centre de haut niveau de Caen. À 17 ans et demi, Thu Kamkasom- phou brille. Et alors qu’elle est classée n°8 junior française et n°38 au niveau senior, les dieux de la santé viennent s’en mêler. On lui diagnostique une maladie auto-immune, la périartérite noueuse, une inflammation de la paroi de certaines artères. Les vaisseaux sanguins sont trop fins, le sang n’arrive pas à passer, « ça éclate et ça fait des plaies. Des plaies au niveau des chevilles par exemple. Chacune met environ 6 mois à cicatriser. Parfois je ne peux même plus porter de chaussures » décrit la championne avant de poursuivre. « Les médecins m’ont très vite expliqué que j’allais devoir arrêter la pratique sportive. »

Même travailler debout est une contre-indication. Une sentence impensable. « Le ping c’était un peu ma vie. Je m’entraînais parfois deux fois par jour, c’était mon travail, j’adorais ça. Le monde s’écroule un peu. »

« Pourquoi moi ? »

La jeune Thu n’accepte pas ses soucis de santé. « Pourquoi moi et pas les autres ? Je ne fume pas, je ne bois pas, je ne me drogue pas… s’interroge-t-elle, la voix parfois tremblante. J’ai des amis qui boivent comme des trous, fument comme des pompiers et bon… se coupe-t-elle. C’était très égoïste. J’ai très mal vécu cette période. À 17 ans, vous ne savez pas ce qui vous arrive, vous êtes hospitalisée du jour au lendemain. C’est horrible. »

Si la maladie et les indications des médecins sont déjà très difficiles à gérer, c’est le mot « handicap » qui la gêne le plus. « Handicapé c’est un mot fort. J’allais au travail avec des béquilles et on me demandait ‘Thu, ça ne va pas ?’. ‘Si si ça va’ je répondais. Je ne voulais pas parler de mes soucis de santé. Je ne voulais pas me faire virer de mon travail », assume la joueuse de tennis de table.

10 ans plus tard…

À cette époque, la jeune femme n’a toujours pas abandonné. Thu est aussi coach de tennis de table à cette période. Malgré les douleurs et les difficultés, elle ne se laisse pas abattre et poursuit son rêve. Joueuse «valide » jusqu’en 1999, elle reçoit un appel qui va changer sa vie. « Je décroche, c’était le directeur technique fédéral de la Fédération française handisport, il me demande si cela m’intéresse de participer aux Jeux Paralympiques. » Ce n’est pas de la réjouissance, mais plutôt un sentiment d’incompréhension qui l’envahit, « les Jeux Paralympiques, c’est pour les personnes handicapées. Les personnes en fauteuil, les amputations… Moi, j’ai mes quatre membres, je ne me sen- tais pas handicapée ». L’acceptation viendra plus tard.

« La plus belle victoire ce n’est pas la médaille d’or »

L’athlète française se qualifie pour ses pre- miers Jeux à Sydney. « Je gagne la médaille de bronze en double et l’or en simple ». Mais l’essentiel n’est même pas là. « Ma plus belle victoire ce n’est pas la médaille d’or à Sydney 2000 ou même à Pékin en 2008… c’est le fait d’avoir accepté mon handicap », raconte-t-elle avec un mélange de fierté et d’émotion.

L’histoire que l’on vous a contée est celle d’une championne hors normes. Une double médaillée d’or aux Jeux Paralympiques. Une femme inspirante qui empile les médailles. Et c’est toujours avec la même philosophie, celle de « ne jamais regarder en arrière, et toujours aller de l’avant », qu’elle tentera de décrocher une 3e breloque dorée, à Paris.

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