Leonetto Cappiello : les caricatures du célèbre affichiste de la Belle Epoque

Leonetto Cappiello : les caricatures du célèbre affichiste de la Belle Epoque

Le célèbre affichiste de la Belle Epoque s’est d’abord fait connaître avec ses caricatures aux antipodes du portrait-charge. Démonstration à L’Isle-Adam jusqu’au 22 septembre.

"La surprise est à la base de toute publicité", clame celui qui révolutionne le genre en France dans la foulée du grand Jules Chéret. Face aux badauds ébahis, ses affiches promotionnelles proposent alors une image sans aucun rapport direct avec le produit qu’elles sont supposées mettre en avant. Pas un gramme de cacao, par exemple, sur celle vantant les mérites du chocolat Klaus, mais une gracieuse amazone chevauchant sa monture. Du jamais-vu, et rien de tel pour capter l’œil des passants… Si Leonetto Cappiello est devenu, de son vivant, l’un des plus fameux affichistes de la première moitié du XXe siècle, il a commencé sa carrière comme caricaturiste. Et là aussi fait preuve d’audace. C’est cette période, circonscrite entre 1898 et 1905, que le musée d’art et d’histoire Louis-Senlecq, à L’Isle-Adam (Val-d’Oise), restitue sur ses cimaises dans une exposition haute en couleur concoctée par Caroline Oliveira et Nicolas-Henri Zmelty.

Quand Cappiello, 23 ans, quitte sa Toscane natale, au printemps 1898, pour se rendre à Paris, il frappe fort d’emblée. Venu en touriste visiter son frère employé à la Bourse, le jeune autodidacte, qui n’a d’autre carte de visite qu’un coup de crayon précoce, tombe amoureux de la capitale - "la ville où l’on pense le plus, où l’on travaille le plus", s’émerveille-t-il. Il ne la quittera plus. Le 23 juillet, son portrait de la reine des planches Réjane, en Une du Rire, fait sensation avec son graphisme épuré et ses couleurs en aplat. C’est que Leonetto a une technique bien à lui : dans les salles de spectacles, qu’il fréquente assidûment, il croque ses modèles sans omettre le moindre détail, puis, de retour à son atelier, leur ôte tout élément inutile. Le trait fin en arabesque n’évoque plus alors qu’une gestuelle ou une présence immédiatement reconnaissables.

"Madame Réjane" en Une du "Rire", juillet 1898.

Sa Réjane ouvre à l’artiste les portes des vedettes du moment. La "diseuse fin de siècle" Yvette Guilbert, la meneuse de revue Louise Balthy, la chanteuse de caf’conc’ Polaire, l'étoile Sarah Bernhardt… Toutes le réclament quand elles comprennent que sa chapelle à lui n’est pas celle du portrait-charge ou de la satire des mœurs, des genres que l’Italien laisse volontiers aux Léandre, Faivre ou Camara qui, dans la grande tradition, accentuent les travers de leurs personnages. Boulevard, mime, ballet, mélodrame ou opérette, Leonetto Cappiello promène ses carnets de croquis dans tous les registres scéniques, ici la danseuse Sada Yacco, vedette de l’Exposition universelle de 1900, là l’imposant Lucien Guitry face à la frêle Suzanne Desprès dans l’adaptation théâtrale de L’Assommoir de Zola. Et impose sa marque de fabrique : l’élégance d’une composition "essentialiste".

"Capiello par lui-même", 1904.

De cette imagerie relevant de la caricature par le dessin mais s’en éloignant par l’absence de toute charge contestatrice reste la chronique mondaine d’un Tout-Paris, où les célébrités voient cette formidable publicité gratuite asseoir leur renommée sans subir les inconvénients de la satire. Un joli coup de maître pour Cappiello qui, en contribuant au firmament de ses modèles reconnaissants, rejoint lui-même les cimes du succès. Seule ombre au tableau : après sa lune de miel avec une Sarah Bernhardt au sommet de sa gloire, Leonetto se voit disgracié par la tragédienne, vexée d’avoir été représentée de dos sur l’une des illustrations de l’Italien. Elle ne le lui pardonnera jamais.

Читайте на 123ru.net